Bim Bahadur Gurung marchait déjà depuis huit heures sur un sentier de montagne au Népal avec sa fille gravement blessée sur le dos dans l'espoir de trouver un hôpital quand la terre s'est mise à trembler une seconde fois.
Les pierres avaient beau dévaler la pente, Gurung n'a jamais imaginé s'arrêter tant il voulait à tout prix trouver une prothèse pour la jambe de Maya, sa fille de 10 ans, écrasée lors du premier séisme le 25 avril.
"Je voyais les glissements de terrain mais que pouvions-nous faire? Il fallait que je l'emmène à l'hôpital, sinon sa vie était finie", raconte à l'AFP ce père de quatre enfants.
Gurung a finalement réussi à rejoindre un hôpital de la banlieue de Katmandou où on lui a dit que sa fille pourrait recevoir une jambe artificielle, après une amputation sous le genou. La cicatrisation s'est bien passée.
Maya compte parmi les milliers de Népalais pour qui l'avenir s'apparente à un défi colossal après la perte d'une jambe ou une blessure à la colonne vertébrale lors du double séisme qui a tué plus de 8.700 personnes.
Malgré les soins médicaux qu'ont reçus ces blessés, le relief du Népal, ses infrastructures très limitées et la quasi-absence de centres de rééducation compliquent terriblement leur vie.
- Course contre la montre -
Depuis le 25 avril, les tentes de l'Unicef et d'autres organisations ont envahi les terrains des hôpitaux au Népal, hébergeant des dizaines d'enfants et leurs familles en attente d'opérations.
"Nous ne voyons que la partie émergée de l'iceberg, un immense, immense défi s'annonce", explique à l'AFP Bibek Banskota, le directeur de l'hôpital HRDC géré par une ONG, où Maya a été transportée et soignée.
"Une fois que la situation se sera stabilisée, beaucoup plus de cas vont se présenter. Même en temps normal, un enfant d'un villageois pauvre met parfois des mois voire des années avant de venir jusqu'à notre hôpital", ajoute ce chirurgien orthopédique.
HRDC est l'un des rares hôpitaux au Népal à fabriquer et poser des prothèses artificielles et à proposer des séances de rééducation aux enfants handicapés. Il a envoyé dans les districts les plus touchés des cliniques mobiles où des centaines de patients ont été soignés chaque jour, mais ce type de soins n'est pas encore arrivé dans les zones les plus reculées, explique Banskota.
"Il faut d'urgence renforcer nos capacités, faire du porte-à-porte pour trouver les enfants qui ont besoin (de prothèses et de soins) avant l'arrivée de la mousson qui rendra les routes impraticables", ajoute-t-il.
Handicap International estime que 18.000 personnes ont été blessées lors des séismes, la plupart souffrant d'une ou plusieurs fractures. Les experts préviennent que tout retard de traitement pourrait entraîner une invalidité permanente.
Mais ils recommandent d'être prudents dans le choix des prothèses à poser: celles venant de pays occidentaux sont coûteuses et difficiles à remplacer par la suite - un écueil rencontré en Haïti après le séisme de 2010.
Sarah Blin, directrice d'Handicap International au Népal, plaide pour la fabrication de prothèses locales accessibles y compris aux plus pauvres et facilement remplaçables.
Au sein de l'hôpital HRDC, des prothèses artificielles sont fabriquées à partir de matériaux bon marché comme des canalisations d'eau fondues et des résines disponibles sur place.
"Nous sommes reconnaissants envers les donateurs, mais il faut bien comprendre que des fonds nous aident beaucoup plus que des dons de prothèses. Car pour chaque prothèse donnée, nous pourrions en fabriquer ici 10 ou même plus pour le même prix", dit Banskota.
Le coût des prothèses à HRDC, dont la production a été augmentée, va de 10 à 500 dollars pour les plus légères et confortables.
- "J'aime ma nouvelle jambe" -
Les soins à long terme pour les handicapés représentent un autre casse-tête tant le Népal manque de kinésithérapeutes. Et aucune institution népalaise ne décerne de diplôme d'ergothérapie ou d'orthoprothésiste, d'où le manque de professionnels qualifiés, souligne Sarah Blin, de Handicap International.
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