L'Assemblée nationale a rétabli vendredi la pénalisation des clients de prostituées, en adoptant en deuxième lecture la proposition de loi renforçant la lutte contre la prostitution, dont le gouvernement souhaite une mise en oeuvre rapide.
Ce texte supprime par ailleurs le délit de racolage passif, institué en 2003 par Nicolas Sarkozy, dénoncé depuis par toutes les associations sur le terrain, et perçu par les socialistes comme "inutile et inutilement stigmatisant" pour les prostituées.
Le vote a été salué aux abords de l'Assemblée par des associations féministes rassemblées, ainsi que par des militantes des Femen seins nus, qui avaient écrit sur leur corps "pas de demande, pas d'offre".
La pénalisation des clients est cependant combattue par les associations de prostituées, qui défendent leur activité comme volontaire et craignent une précarisation accrue, et elle divise l'opinion publique.
Coïncidence de calendrier, le tribunal correctionnel de Lille rendait au même moment son jugement dans l'affaire du Carlton, à laquelle les parlementaires n'ont pas manqué de se référer à plusieurs reprises. Pour Guy Geoffroy (Les Républicains, ex-UMP), elle prouve qu'"il n'y a pas de prostitué(e) heureux ou heureuse", en allusion notamment à l'absence de choix dans leur vie.
La secrétaire d'Etat aux Droits des femmes, Pascale Boistard, faisant aussi référence aux violences qu'elles subissent, a appelé à envoyer un "signal fort" pour l'abolition de la prostitution, en faisant valoir les exemples étrangers, Norvège notamment, où la responsabilisation du client a permis, d'après elle, un recul des réseaux.
La législation française n'est plus efficace", a-t-elle estimé, plaidant pour que le travail parlementaire "transpartisan" et "de longue haleine" aboutisse "rapidement".
L'Assemblée avait adopté la proposition de loi en première lecture dès décembre 2013, mais le Sénat ne l'a examinée qu'en mars dernier, supprimant au passage la pénalisation des clients et rétablissant le délit de racolage, ce sur quoi les députés étaient revenus dès le stade de la commission.
- 'conservateurs et bien-pensants' -
Guy Geoffroy, président de la commission spéciale mise en place à l'Assemblée, Maud Olivier, rapporteur (PS), et Catherine Coutelle, présidente (PS) de la délégation aux droits des femmes, souhaitent que la Haute assemblée se ressaisisse "au plus vite" du texte afin que la navette se poursuive.
Outre l'interdiction de l'achat d'actes sexuels, qui sera sanctionné d'une contravention de 1.500 euros, la proposition de loi prévoit la création d'un parcours de sortie de la prostitution, des mesures d'accompagnement social ainsi qu'une politique de prévention auprès des jeunes.
Dans un hémicycle clairsemé et essentiellement féminin, les députés socialistes et du Front de gauche ont voté à main levée pour ce texte qui permet à la France d'"honorer ses engagements" internationaux (Catherine Coutelle) et délivre "un message très fort d'émancipation" (Marie-George Buffet, FG).
Les écologistes ont majoritairement voté contre, étant opposés à la pénalisation des clients et à une "approche idéologique" de la prostitution. Au nom de son groupe, Sergio Coronado a raillé la "sainte alliance entre la droite conservatrice et une gauche bien-pensante" pour faire passer ces mesures.
Les Républicains se sont pour la plupart abstenus, alors qu'une majorité s'était prononcée contre en première lecture. Marie-Louise Fort a noté avec satisfaction la réduction, votée en séance, d'un an à six mois de la durée de l'autorisation provisoire de séjour qui pourra être délivrée aux prostituées étrangères engagées dans un parcours de sortie.
Le principal groupe d'opposition a cependant tenté, en vain, de rétablir le délit de racolage, qui "a permis de restaurer la tranquillité publique dans des quartiers qui étaient devenus de véritables zones de non-droit", a assuré l'élu de Paris Philippe Goujon.
Par ailleurs, les députés ont supprimé l'instauration qui était prévue d'un blocage administratif des sites proposant un accès à la prostitution, le gouvernement souhaitant d'abord évaluer ce blocage mis en oeuvre en matière de lutte contre le terrorisme et la pédo-pornographie. Reste l'obligation pour les hébergeurs et fournisseurs d'accès à internet de signaler des contenus illicites.
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