Les parlementaires américains ont refusé à Barack Obama les pouvoirs étendus de négociation qu'il demandait pour conclure un immense accord commercial avec la région Asie-Pacifique, le président ayant été abandonné par son propre parti démocrate.
La Chambre des représentants -- et surtout le camps démocrate du président -- a rejeté facilement un texte qui aurait ouvert la voie à la création d'une procédure dite accélérée, TPA en anglais ("Trade Promotion Authority"). Ce mécanisme aurait forcé le jour venu le Congrès à approuver ou rejeter sans possibilité d'amendement tout accord commercial conclu par l'exécutif d'ici 2018, ou 2021 en cas de prolongation.
Le blocage est un coup dur pour Barack Obama, qui a fait du libre-échange la priorité économique de la fin de son mandat, même si les républicains restent libres de rappeler le sujet à l'ordre du jour.
Le président américain a investi un capital politique considérable pour finaliser avant son départ en janvier 2017 le partenariat transpacifique, connu à Washington sous ses initiales TPP, avec 11 pays riverains du Pacifique, dont le Japon.
Mais dans ce dossier, s'il disposait de l'appui de la majorité républicaine favorable au libre-échange, il n'a pas su convaincre les démocrates, qui sont majoritairement protectionnistes et dont l'appui était mathématiquement requis.
La plupart des démocrates ne veulent pas voter pour une nouvelle ouverture des frontières qui risque, selon eux, de conduire à des fermetures d'usines dans leurs circonscriptions. Beaucoup citent le précédent de l'accord Nafta conclu en 1993 avec le Mexique et le Canada.
"Nous devons aller moins vite", a justifié Nancy Pelosi, chef du groupe démocrate. "Nous voulons un meilleur accord pour les travailleurs américains".
La procédure accélérée permettrait à Barack Obama de demander au Congrès de se prononcer en bloc, sans possibilité d'amendement, sur tout futur accord commercial, écartant ainsi le risque de démantèlement d'un texte négocié confidentiellement et à grand peine avec ses partenaires.
Après un débat houleux, le Sénat à majorité républicaine avait adopté le 22 mai cette procédure, mais l'échec de vendredi à la Chambre force les parlementaires à revoir leur stratégie, pour éventuellement organiser un nouveau vote.
- Retournement d'alliances -
Quinze accords commerciaux ont été approuvés grâce à une procédure similaire par le Congrès depuis 1979. L'accord en négociation avec l'Union européenne (TTIP) bénéficierait aussi de cette procédure.
Déçu, le républicain Paul Ryan a dénoncé le blocage démocrate, jugeant que l'économie américaine perdait du terrain alors que 100 accords commerciaux ont été signés depuis 2007 dans le monde sans les Etats-Unis, selon lui.
La cause est soutenue avec force par le patronat. Mais Barack Obama a perdu nombre de ses alliés progressistes dans la bataille.
Les accords commerciaux "enrichiront de façon fabuleuse certaines multinationales, les marges vont exploser", a clamé le représentant démocrate Keith Ellison.
Les craintes sont aussi vives à l'égard des mécanismes d'arbitrage imaginés pour résoudre les différends entre Etats et investisseurs privés --comme au Parlement européen, qui s'est déchiré cette semaine sur la question dans le débat autour du futur accord Etats-Unis-UE.
La plus grande fédération syndicale américaine, AFL-CIO, avait lancé une virulente campagne pour faire échouer le vote de vendredi.
Dans une publicité, un ouvrier d'une aciérie de Baltimore licencié avec 2.100 autres en 2012 appelle Barack Obama à venir constater sur place les ravages de la mondialisation. Le président de l'AFL-CIO n'a pas de mots assez durs contre les futurs accords commerciaux, alors que la force de frappe syndicale est d'habitude mise au service du parti démocrate en période électorale.
Même rejet chez des ONG écologistes qui craignent un affaiblissement des normes environnementales.
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