C'est une oasis de verdure où s'ébattent des oiseaux rares. Rien ou presque ne rappelle que l'île de Belene, sur le Danube, a abrité le plus notoire des camps du "goulag" bulgare, que des survivants veulent aujourd'hui arracher à l'oubli.
"Faim, coups et travail épuisant, c'était notre vie au camp", témoigne Vandé Vandev, 80 ans, ancien détenu de ce "foyer de rééducation par le travail", son appellation officielle pendant les quinze ans où il a été ouvert.
Conduit à Belene en 1959 dans un wagon à bestiaux, ce fils du leader d'un parti interdit par la dictature communiste comprit tout de suite dans quel enfer vert il avait atterri.
"A l'arrivée sur l'île, on nous a poussés dans les marécages pour nous tabasser", se rappelle-t-il, avant d'évoquer une captivité pourrie par l'humidité, les punaises et les moustiques. "Les gardiens nous appelaient +vermine+", se souvient-il.
L'île est aujourd'hui une réserve naturelle abritant 140 espèces d'oiseaux, dont des pélicans. Mais presque aucun détail n'y témoigne plus de l'existence du camp, fermé en 1959 après des articles parus dans la presse internationale.
- Taudis en saule tressé -
Un comité d'initiative s'est toutefois donné pour mission de ressusciter le souvenir du site, alors qu'une cinquantaine de survivants sont encore en vie.
"L'idée est de créer un musée comme à Buchenwald et dans d'autres camps nazis", auquel le camp de Belene peut être comparé, souligne Vladimir Gerassimov, membre du comité d'initiative. "Les baraques doivent être reconstituées. Nous sommes en train de rassembler des objets ayant appartenu aux détenus, des lettres, des témoignages".
Entre 1944 et 1962, quelque 23.500 personnes, dont 2.100 femmes, ont connu le "goulag" bulgare, dont beaucoup à Belene, le plus important des 45 camps du pays, qui pouvait accueillir 3.000 détenus.
Le nombre de morts n'est pas connu. Mais des centaines, si ce n'est des milliers de détenus ont succombé sur l'île, selon le témoignage de survivants revenus en visite sur place fin mai.
Les prisonniers étaient pour la plupart issus de familles aisées. Ils recevaient entre 380 et 560 grammes de pain par jour en fonction du travail effectué dans les champs ou à la construction de digues. Et de la soupe maigre.
"Nous dormions dans des taudis tressés de saule, sur des planches en bois à trois niveaux où chacun disposait de 50 cm environ", confie Dimitar Atanassov, 82 ans, en désignant l'emplacement de son baraquement disparu.
- 'Ennemis du peuple' -
Nikola Daskalov, 80 ans dont sept mois à Belene, contemple d'un oeil goguenard la façon dont une nature luxuriante a repris ses droits sur le site.
"L'île est jolie, je ne l'avais pas remarqué !", ironise-t-il. "En revanche, j'avais bien remarqué une banderole: +Si l'ennemi ne se livre pas, on le détruit+, une pensée de Félix Dzerdjinski", le fondateur des camps soviétiques, les goulag.
Todor Anastassov, un autre octogénaire, se souvient que le camp disposait d'un choeur. "Entourés de barbelés et de gardes armés, nous avions droit à la chanson soviétique +Mon pays est large,() on y respire librement+", dit-il avec un sourire amer.
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