Valeri jette un oeil là où devrait se trouver sa jambe et reprend son récit. Celui de sa nouvelle vie d'amputé en Russie, où ce rebelle séparatiste suit sa rééducation après avoir été blessé au combat en Ukraine.
"J'espère avoir bientôt ma prothèse bientôt et commencer à réapprendre à marcher dans un mois", résume ce père de 40 ans qui refuse de donner son nom de famille, son fils vivant toujours dans des territoires contrôlés par le gouvernement ukrainien.
Ancien cheminot, cet Ukrainien a perdu sa jambe en février après avoir été fauché par une mitrailleuse lourde près de Marioupol, sa ville natale et la dernière grande localité du sud-est ukrainien toujours sous le contrôle de Kiev.
"On n'échappe pas à son destin", dit-il sur son lit d'hôpital. "On s'habitue à tout".
Pour être soigné, il a traversé la frontière et trouvé refuge à 100 km de l'Ukraine, à Rostov-sur-le-Don, une ville russe où de nombreux combattants rebelles pansent leurs plaies, leurs blessures.
Ce matin-là, ils sont une poignée, à qui il manque parfois un bras ou une jambe, à profiter du soleil en tirant sur leur cigarette, assis sur un banc en bois près du bâtiment sans âme en brique qui les accueille.
Un homme barbu, l'air hagard, émerge de la maison de repos en guidant son fils de 30 ans qui ne voit plus le soleil depuis qu'il est devenu aveugle.
- Pas de blessures légères -
"Le nombre d'hommes soignés ici varie. Parfois, ils sont 10, parfois 40, mais la plupart du temps entre 20 et 30", assure Olga Vezovskaïa, une ancienne médecin rebelle qui gère ce centre.
"Il n'y a pas de blessés légers. Nos patients ont besoin d'une longue rééducation", assure-t-elle, ajoutant que sa maison de repos est la seule accueillant les soldats comme les civils. Et la liste d'attente est longue.
Moscou est accusé par les Occidentaux et par l'Ukraine de soutenir militairement les rebelles. Mais les responsables de la maison de repos assurent qu'elle n'a aucun lien avec l'Etat russe.
Les blessés ne payent par les soins et, jusqu'à récemment, l'argent venait d'une fondation dirigée par un ancien chef séparatiste, Igor Strelkov: un ancien colonel de la Direction du renseignement militaire russe (GRU), qui commandait des rebelles jusqu'à l'été dernier.
Grâce à une usine publique de la ville, les blessés reçoivent des prothèses pouvant coûter jusqu'à 1.400 euros, et des dons leur permettent de poursuivre leur traitement dans les cliniques de Rostov.
Mais les récentes fissures apparues dans l'unité de la rébellion, où plusieurs factions se disputent le pouvoir, ont eu des conséquences: les financements se tarissent, au point qu'Olga Vezovskaïa doive se battre pour garder son établissement ouvert.
"Nous avons du mal à couvrir nos besoins quotidiens et nous ne savons plus comment faire", regrette la jeune femme, qui assure faire tout pour "que ces hommes ne se sentent pas abandonnés".
- Corruption -
Aucun combattant ne dit regretter avoir rejoint la rébellion. Mais beaucoup sont en colère devant la tournure des évènements.
A leurs yeux, les dirigeants des républiques autoproclamées de Donetsk (DNR) et de Lougansk (LNR) sont aussi corrompus que les anciens dirigeants ukrainiens. Et sont doublement coupables d'avoir laissé tomber ceux qui se sont battus pour eux.
"Ils ont trahi le peuple", crache Maxime, un combattant ne voulant donner que son nom de guère, "Bouba". "Pourquoi ces gars (les blessés) ont-ils enduré tout ça ? Comment vont-ils s'occuper de leur famille maintenant ?"
Et le futur, pour ces hommes qui ont pris les armes contre un ennemi qui à leurs yeux menaçait leur proches, est plus qu'incertain. Ancien mineur, Vadim Lyssovenko sait bien que, les territoires séparatistes n'étant pas même reconnus par la Russie, les blessés vont avoir du mal à toucher des primes d'invalidité ou le statut d'anciens combattants.
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