Hassan Soltan est resté sans nouvelles de ses trois fils pendant une semaine, ignorant où ils étaient détenus après leur arrestation un matin par des policiers masqués des forces spéciales égyptiennes ayant investi son appartement.
"Ils nous ont bandé les yeux, à moi et mes fils, nous ont ligoté les mains dans le dos et nous ont assis sur le sol, comme des prisonniers de guerre", se souvient M. Soltan, dont les fils âgés de 17 à 26 ans sont étudiants.
Comme eux, des dizaines de militants, souvent issus des mouvements laïcs et de gauche, ont été la cible ces dernières semaines d'arrestations arbitraires, selon des organisations de défense des droits de l'Homme.
Ces "disparitions forcées" interviennent alors que les autorités mises en place par l'ex-chef de l'armée et actuel président Abdel Fattah al-Sissi, qui a destitué l'islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013, mènent une répression implacable contre toute forme d'opposition.
"Nous n'avons pas réussi à les voir depuis leur arrestation (le 26 mai, NDLR), mais des avocats nous ont dit qu'ils étaient accusés d'appartenance à une organisation terroriste et détenus dans un poste de police au Caire", ajoute M. Soltan.
Il assure que ses fils n'ont aucun lien avec les Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi, classée "organisation terroriste" par les autorités.
Dans les semaines ayant suivi l'éviction de M. Morsi, plus de 1.400 manifestants islamistes ont été tués et plus de 40.000 personnes ont été arrêtées ou traduites en justice. Des centaines de pro-Morsi ont été condamnés à mort depuis, dans des procès de masse expéditifs.
Selon Mona Seif, militante des droits de l'Homme, "23 militants ont disparu ces dix derniers jours" et leur famille a réclamé une enquête du parquet.
"La plupart ont été pris de chez eux, dans la rue ou devant leurs bureaux. Ils ont été arrêtés par des individus en civil", précise la jeune femme.
Son mouvement, "Liberté pour les courageux", qui lutte contre les arrestations de militants, a recensé 163 disparitions depuis avril. On a retrouvé la trace de la plupart des interpellés, mais 66 restent introuvables.
- "Disparitions forcées" -
Les réseaux sociaux ont fait grand bruit de ces arrestations, plusieurs utilisateurs partageant sur Facebook et Twitter les photos de leurs proches ou amis disparus.
Intitulée "Où est Israa al-Tawil?", une page Facebook, créée pour une étudiante de 23 ans introuvable depuis le 1er juin, compte plus de 10.000 inscrits.
"Elle a terminé ses examens, est sortie avec deux amies. Puis son téléphone s'est éteint et depuis nous n'avons plus de nouvelles", affirme son père, Mahfouz al-Tawil, qui pointe du doigt la police.
Parmi les militants arrêtés figurent des membres du mouvement du 6-avril, à la pointe de la contestation de 2011 ayant chassé du pouvoir l'ancien président Hosni Moubarak. Ce mouvement de jeunesse a été interdit en 2014, et plusieurs de ses dirigeants sont déjà derrière les barreaux.
Ses membres "organisaient une grève générale prévue le 11 juin pour protester contre une baisse des subventions publiques", indique un responsable du groupe, Mohamed Nabil.
L'un de ses membres, Ahmed Khattab, a ainsi été interpellé par la police dans la rue, puis placé 15 jours en détention provisoire, pour "appartenance à une organisation interdite et incitation à la désobéissance civile", explique son avocat, Anas Saïd.
Un haut responsable du ministère a dénoncé des accusations "sans fondements".
"Nous n'avons pas recours à ces méthodes. Si quelqu'un a des preuves, qu'il présente une plainte officielle au ministère de l'Intérieur", assure-t-il.
Le Conseil national des droits de l'Homme, un organe étatique, a néanmoins décidé d'ouvrir une enquête au sujet de ces "disparitions".
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