La proposition de loi renforçant la lutte contre la prostitution arrive vendredi en seconde lecture à l'Assemblée, où ses partisans entendent revenir au texte initial prévoyant la pénalisation des clients et la suppression du délit de racolage, en espérant une adoption avant la fin de l'année.
En commission, les députés ont rétabli mercredi dernier ces deux dispositions, supprimées en première lecture par le Sénat en mars.
Ces deux points font partie des "piliers" défendus par les auteurs du texte, les députés socialistes Maud Olivier et Catherine Coutelle, et le député Les Républicains (ex-UMP) Guy Geoffroy.
Inspirés par l'exemple de la Suède qui pénalise les clients depuis 1999, ils prévoyaient notamment de punir l'achat d'actes sexuels d'une contravention de 1.500 euros, et d'abroger le délit de racolage passif institué en 2003 par Nicolas Sarkozy, décrié par toutes les associations sur le terrain.
"Ce sont deux points sur lesquels on ne transigera pas", explique Catherine Coutelle, optimiste sur le vote des députés en seconde lecture. Lors du premier passage du texte, le 4 décembre 2013, ils l'avaient adopté de manière transpartisane, avec une majorité de députés socialistes, quelques députés UMP et UDI, et la plupart des députés Front de Gauche.
Outre l'interdiction d'achat d'actes sexuels et la dépénalisation des personnes prostituées (combinée à la création d'un parcours de sortie de la prostitution et des mesures d'accompagnement social), le texte prévoit le renforcement de la lutte contre le proxénétisme et une politique de prévention auprès des jeunes.
"L'Europe nous regarde, tout le monde attend de voir ce que la France va faire sur la responsabilisation des clients", insiste Maud Olivier. Elle rappelle que l'Irlande du Nord a déjà franchi le pas, en sanctionnant, depuis le 1er juin, l'achat d'actes sexuels de 1.400 euros d'amende et d'un an d'emprisonnement. "L'Allemagne réfléchit également à changer sa législation, tout comme l'Espagne", ajoute-t-elle. "Il ne faut pas qu'on déçoive".
Mais si cette mesure a le soutien des associations prônant l'abolition de la prostitution (Mouvement du Nid, Fondation Scelles, etc.), et du gouvernement, elle divise l'opinion publique, et est combattue par les associations de prostituées (Strass, Bus des femmes, etc.), qui défendent la prostitution comme une activité volontaire, et d'autres qui leur viennent en aide (Act-up, Médecins du Monde).
- A la merci des clients -
Ces associations, qui ont manifesté vendredi dernier à Paris contre cette mesure, craignent en effet de voir les prostituées poussées vers la clandestinité et la précarité, et encore plus à la merci des rares clients. Des craintes qui ont convaincu les députés écologistes, en majorité contre le texte.
Les sénateurs seront-ils aussi prompts que les députés à reprendre le texte, alors qu'ils ont attendu 16 mois avant de l'examiner en première lecture? "Le gouvernement prendra ses responsabilités" pour l'inscrire rapidement à l'agenda de la Haute Assemblée, assure Maud Olivier. "On a le soutien du Premier ministre à ce sujet".
Avec Catherine Coutelle, elle se dit persuadée que la proposition de loi sera adoptée définitivement "avant la fin de l'année".
Quant au vote des sénateurs, "il a été acquis en première lecture avec une majorité très courte. On peut arriver à un accord, il suffit qu'une ou deux voix se déplacent", dit Guy Geoffroy.
Les sénateurs ont, dit-il, "des dispositions d'esprit assez ouvertes". Une rencontre devait être programmée avant le vote des députés, pour tenter de trouver un consensus.
Si les sénateurs avaient notamment réintroduit le délit de racolage, c'est parce qu'il "peut permettre à la police d'obtenir des renseignements sur les réseaux", via les gardes à vue, assure-t-il. Dans le nouveau texte, un amendement devrait introduire "la reconnaissance d'un statut particulier de témoin protégé pour la personne prostituée, pour qu'elle témoigne sans être reconnue coupable d'infraction", explique-t-il.
En cas de désaccord persistant entre les deux chambres, l'Assemblée nationale aura le dernier mot.
En France, où la prostitution est légale, on estime à environ 30.000 le nombre de prostituées, en majorité étrangères.
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