Le procureur Gérard Aldigé a requis mardi à Bordeaux une peine de 5.000 euros d'amende contre la juge de Nanterre Isabelle Prévost-Desprez, poursuivie pour "violation du secret professionnel" dans l'enquête sur l'affaire Bettencourt, dont elle fut un acteur-clé avant d'en être dessaisie.
Le tribunal correctionnel de Bordeaux a mis son jugement en délibéré au 2 juillet à 14h30.
La présidente de la 15e chambre correctionnelle de Nanterre est notamment soupçonnée d'avoir divulgué, dans des échanges téléphoniques, les détails d'une perquisition au domicile de Liliane Bettencourt le 1er septembre 2010, relatée le jour même dans Le Monde par le journaliste Jacques Follorou, avec qui la magistrate avait co-signé un livre quelques mois plus tôt.
"Les charges sont nombreuses et accablantes. Tout ramène à elle et les preuves reposent sur l'existence de faits matériellement établis", a lancé le procureur Aldigé, accusant la magistrate de "faute déontologique".
"La pratique de la divulgation d'informations est habituelle chez Isabelle Prévost-Desprez () Et elle est presque revendiquée", a-t-il estimé dans un cinglant réquisitoire, sans toutefois demander de peine de prison à l'encontre de la juge de Nanterre.
Jugée depuis lundi pour "violation du secret professionnel", Mme Prévost-Desprez, 55 ans, a toujours démenti avoir commis un tel délit, passible d'un an de prison et 15.000 euros d'amende.
Elle affirme n'avoir eu que des "discussions personnelles" ou de nature juridique lors de ses contacts avec M. Follorou, "un ami" de longue date, ou avec de nombreux autres journalistes.
L'enquête a bien identifié des SMS échangés avec M. Follorou au début de la perquisition mais n'a jamais pu établir la teneur de ces messages.
"Par contre, ce qui a pu être tracé c'est leur auteur, leurs destinataires" et les heures où ils ont été transmis, a relevé Gérard Aldigé.
"Les éléments du dossier démontrent qu'elle a transmis des informations à des tiers au moment où la perquisition se produisait", a martelé le procureur, pour qui "les explications d'Isabelle Prévost-Desprez ne résistent pas au nombre considérable des SMS adressés à M. Follorou".
- "Nous voulons des preuves!" -
"Est-ce que l'envoi d'un SMS est la preuve de l'envoi d'une information? () Ici, nous sommes au tribunal et nous voulons des preuves du ministère public!", a rétorqué l'avocat de la magistrate, Me François Saint-Pierre.
Tout en reconnaissant que la peine requise est "certes modérée", il a déploré que, réduit à de simples "hypothèses", le ministère public n'ait pas demandé "la relaxe pure et simple".
Lundi, le président du tribunal, Denis Roucou, avait lui-même semé le doute en évoquant l'existence d'autres SMS concomitants à cette perquisition. Comme celui envoyé, peu après le début de l'opération de police, par l'infirmier de Liliane Bettencourt, Alain Thurin - poursuivi pour abus de faiblesse au détriment de la milliardaire dans un autre volet de l'affaire - à Marion Bougeard, "conseil en communication" de l'héritière de L'Oréal qui gérait alors ses relations avec la presse.
Comme M. Roucou la veille, Me Saint-Pierre a déploré mardi que l'instruction sur ces "fuites" ne soit pas "allée au fond", se contentant "de suivre le fil directeur" de la plainte pour violation du secret professionnel déposée à l'époque par Me Georges Kiejman qui assurait la défense de Liliane Bettencourt.
"Nous ne cautionnons pas la plainte de Me Kiejman", "une initiative personnelle" de sa part, a souligné Me Benoît Ducos-Ader, qui représente la milliardaire, partie civile au procès, depuis le transfert du dossier à Bordeaux. Selon lui, Me Kiejman n'agissait pas dans les intérêts de sa cliente, déjà atteinte en 2010 de la maladie d'Alzheimer et désormais sous tutelle.
"Vous dire que la partie civile est heureuse de voir Isabelle Prévost-Desprez sur ce banc serait mentir", a insisté Me Ducos-Ader, se félicitant au contraire du "courage" dont la juge a fait preuve dans son enquête sur les abus de faiblesse au détriment de Liliane Bettencourt.
"Dans un dossier comme celui là, ça fuit de partout () On est tous dans cette espèce d'hypocrisie" mais s'il n'y avait pas eu d'enquête sur ces abus, "ce serait pire!", a conclu l'avocat de Mme Bettencourt, renonçant à une quelconque demande de dommages et intérêts.
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