Le procureur Gérard Aldigé a requis mardi à Bordeaux une peine de 5.000 euros d'amende contre la juge de Nanterre Isabelle Prévost-Desprez, poursuivie pour "violation du secret professionnel" dans l'enquête sur l'affaire Bettencourt dont elle fut un acteur-clé avant d'en être dessaisie.
La présidente de la 15e chambre correctionnelle de Nanterre est notamment soupçonnée d'avoir divulgué, dans des échanges téléphoniques, les détails d'une perquisition au domicile de Liliane Bettencourt, le 1er septembre 2010, relatée le jour même dans Le Monde par le journaliste Jacques Follorou, avec qui la magistrate avait co-signé un livre quelques mois plus tôt.
"Les charges sont nombreuses et accablantes. Tout ramène à elle et les preuves reposent sur l'existence de faits matériellement établis", a lancé le procureur Aldigé, accusant la magistrate de "faute déontologique".
"La pratique de la divulgation d'informations est habituelle chez Isabelle Prévost-Desprez () Et elle est presque revendiquée", a-t-il déclaré dans un long réquisitoire cinglant, sans toutefois demander de peine de prison à l'encontre de la juge de Nanterre.
Jugée depuis lundi par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour "violation du secret professionnel", Mme Prévost-Desprez, 55 ans, "conteste absolument" avoir commis un tel délit, passible d'un an de prison et 15.000 euros d'amende.
Elle affirme n'avoir eu que des "discussions personnelles" ou portant sur des points de procédure lors de ses contacts avec M. Follorou, "un ami" de longue date, ou avec de nombreux autres journalistes.
L'enquête a bien identifié des SMS échangés avec M. Follorou au début de la perquisition mais n'a jamais pu établir la teneur de ces messages, dont rien ne prouve formellement qu'ils soient à l'origine des "fuites" à la presse.
"Je sais bien que ces SMS, on n'en connaît pas les contenus mystère () Par contre, ce qui a pu être tracé c'est leur auteur, leurs destinataires" et les heures où ils ont été transmis, a relevé Gérard Aldigé.
"Les éléments du dossier démontrent qu'elle a transmis des informations à des tiers au moment où la perquisition se produisait", a martelé le procureur, pour qui "les explications d'Isabelle Prévost-Desprez ne résistent pas au nombre considérable des SMS adressés à M. Follorou".
"On voit bien que c'est une source judiciaire qui a confirmé le déroulement de la perquisition" chez Mme Bettencourt, a-t-il affirmé.
Lundi, le président du tribunal, Denis Roucou, avait pourtant évoqué l'existence d'autres SMS concomitants à cette perquisition. Comme celui envoyé, peu après le début de l'opération de police, par l'infirmier de Liliane Bettencourt, Alain Thurin - poursuivi pour abus de faiblesse au détriment de la milliardaire dans un autre volet de l'affaire - à Marion Bougeard, "conseil en communication" de l'héritière de L'Oréal qui gérait alors ses relations avec la presse.
Et M. Roucou avait déploré que les investigations n'aient pas été aussi poussées sur ces SMS d'Alain Thurin que sur ceux de Mme Prévost-Desprez.
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