Bouygues Travaux publics devrait savoir mardi à 13h30 s'il est condamné en correctionnelle dans une affaire de travail au noir de centaines d'étrangers sur le gigantesque et tumultueux chantier du réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche).
"Le recours à (l'agence d'intérim international) Atlanco n'a qu'un seul objectif, violer les règles de cotisations sociales" et trouver "une main-d?oeuvre la plus malléable possible", avait tonné lors de l'audience, le 13 mars, le procureur de la République de Cherbourg, Éric Bouillard, avant de requérir 150.000 euros d'amende contre Bouygues TP à l'issue d'une semaine de procès.
Bouygues TP et Quille, deux filiales de Bouygues Construction, et l'entreprise nantaise Welbond armatures, sont poursuivies entre autres pour recours aux services de deux entreprises pratiquant le travail dissimulé: Atlanco et la société roumaine de BTP Elco.
Le parquet a requis la peine maximale contre la "nébuleuse" Atlanco, 225.000 euros d'amende, ainsi que l'interdiction d'exercer en France. Il a demandé 80.000 euros d'amende contre chacune des autres sociétés.
Ces amendes sont "bien inférieures aux bénéfices réalisés", avait souligné M. Bouillard, soit plusieurs millions d'euros de cotisations non payées.
Entre 460 salariés - 163 Polonais, dits "détachés" et 297 Roumains - et plus de 500 sont concernés, selon le magistrat.
"Je ne peux pas croire qu'on puisse condamner à mort une société pour des dysfonctionnements administratifs", a plaidé Philippe Goossens, l'un des avocats de Bouygues, avant de demander la relaxe de la société. Car une condamnation à une amende de plus de 30.000 euros inscrite au casier revient selon lui à priver la société de tout marché public.
- Une société "un peu fantôme" -
Surtout, Bouygues TP estime ne pouvoir être condamné car c'est, selon ses avocats, Welbond qui a signé le contrat poursuivi avec Atlanco, et un groupement d'entreprises (Bouygues TP/Welbond/ Quille) qui a signé celui avec Elco.
"J'étais dans le brouillard () Vous n'imaginez pas le nombre de problèmes techniques que nous avons eus à résoudre sur ce chantier", s'était défendu à la barre le directeur de projet de l'époque de Bouygues TP, Michel Bonnet, à qui le tribunal demandait pourquoi il n'avait pas rompu avant juin 2011 avec Atlanco, malgré de premières alertes en 2009. Des propos "atterrants" selon le procureur.
Maître-d?oeuvre de ce chantier qui cumule retards et déboires, EDF, qui n'est pas poursuivi, a, en juin 2011, demandé à Bouygues de mettre fin à la situation irrégulière de dizaines de Polonais après une verbalisation de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Wladislaw Lis, avocat "révolté" d'une cinquantaine de Polonais, avait évoqué des "conséquences terribles" (sur la santé, la retraite), pour eux et leurs familles.
Elco, qui emploie 500 à 600 personnes en Europe, a demandé la relaxe, de même que Welbond (80 salariés).
Quant à Atlanco, la justice n'a pas réussi à retrouver cette société "un peu fantôme", selon le tribunal. Son siège serait à Dublin ou à Chypre.
A l'audience, un long bras de fer avait opposé l'inspecteur de l'ASN, Jean Fresneda, et les six avocats de Bouygues.
Selon le fonctionnaire, des problèmes similaires ont eu lieu sur le chantier de l'EPR de Finlande, qui a démarré avant Flamanville, où sont intervenus également Bouygues TP et Atlanco. Quatre EPR sont en construction dans le monde, dont deux en Chine.
Ce procès est celui du "décalage entre le niveau de cotisations sociales en France (51,7%) et leur niveau" dans d'autres pays européens (12,1% à Chypre), avait estimé le président du tribunal, Nicolas Houx, malgré les dénégations de Bouygues.
A l'époque des faits (2008-2012), le chantier employait environ 3.000 personnes, dont environ un tiers d'étrangers, selon l'ASN.
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