Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a lancé samedi la réforme de la prestigieuse Ecole Polytechnique, symbole de l'élitisme à la française bousculé par la compétition mondiale, lui demandant de diversifier son recrutement et de davantage s'ouvrir à l'international.
"L'Ecole Polytechnique est la première école de France par l'attraction sans pareille qu'elle exerce sur des milliers de jeunes étudiants. Elle suscite une réelle fierté () Elle rencontre aussi, il faut le reconnaître, des critiques, dont certaines sont justes et d'autres disproportionnées", a déclaré M. Le Drian lors d'une visite sur le campus de la célèbre école d'ingénieurs, à Palaiseau (Essonne), près de Paris.
Dans un rapport remis vendredi au ministre, l'économiste Bernard Attali, ex-PDG d'Air France, a présenté un audit détaillé recensant toutes les faiblesses de l'école: "trop petite", "trop peu visible à l'international", "trop faible diversité sociale".
Incarnation de la spécificité française des "grandes écoles", "l'X" - son emblème symbolise deux canons croisés ou la prééminence des mathématiques (X est l'inconnue) dans son cursus selon les versions - à l'histoire bicentenaire (elle a été fondée en 1794 au lendemain de la Révolution) "manque d'un souffle, d'un élan, d'une ambition clairement assumés", estime M. Attali.
Avec son statut militaire, dont les signes extérieurs sont le bicorne, fameux couvre-chef des polytechniciens, et la participation au défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées, elle relève aussi avant tout de la tutelle du ministère de la Défense.
Reprenant l'essentiel des pistes de réformes esquissées dans le rapport Attali, M. Le Drian a demandé de revoir, d'ici la fin de l'année, la "stratégie" de l'école en l'ouvrant à une plus grande diversité sociale et en quadruplant à terme le nombre des élèves étrangers.
Il s'est également prononcé pour le regroupement de dix grandes écoles scientifiques - dont l'X, Centrale Supélec, les Mines de Paris, Agro, l'ENS Cachan - en une "École polytechnique de Paris" qui serait plus visible et susceptible d'obtenir de meilleurs résultats dans les classements internationaux.
Située entre les 30e et 60e rangs dans des classements de référence, voire au 300e seulement dans celui dit de Shanghaï, l'X fait ainsi face à des concurrents de plus en plus redoutables, de l'Ecole Polytechnique de Lausanne à l'Université de Stanford, analyse le rapport Attali.
- D'autres cursus, d'autres talents -
"L'Ecole a besoin d'un grand changement, qui préserve cependant les acquis qui ont fait sa réussite", a insisté M. Le Drian, anticipant les crispations que la réforme ne manquera pas de susciter dans un milieu souvent célébré comme "l'élite de la nation".
L'X reste de facto la voie royale pour des carrières prestigieuses dans l'administration, les grandes entreprises ou la recherche. Elle recrute chaque année 400 étudiants parmi les meilleurs de leur classe d'âge.
Ils sont "brillants en mathématiques, dotés d?une puissance de travail remarquable, mais ont par la force du système développé une certaine aversion au risque", constate toutefois M. Attali notant que très peu d'entre eux se lancent dans la création d'entreprise à la sortie. "Le mode actuel de recrutement laisse filer beaucoup de talents, et peut-être parmi les plus créatifs", déplore-t-il.
Pour diversifier les profils, "la création d'un accès post-bac, d'un cursus d'ingénieurs en alternance et le développement de formations continues pour les décideurs publics sont autant de pistes à explorer activement", a souligné le ministre.
Petite révolution, le recrutement ne se ferait alors plus seulement dans les classes préparatoires, mais directement après le bac. Sur le modèle de l'ENA, la création d'une classe préparatoire ouverte aux boursiers méritants de milieux modestes va aussi être étudiée.
Le sacro-saint classement de sortie, qui permet aux élèves les mieux placés de choisir leur voie parmi les grands corps de l'Etat (Mines, Ponts, Armement..), est aussi remis en cause.
M. Attali suggère qu'il soit supprimé et remplacé par des entretiens d'embauche assurant une meilleure adéquation entre les profils des diplômés et leurs carrières futures.
"Cette proposition doit être débattue avec les futurs employeurs au sein de l?Etat", a lancé M. Le Drian. Il s'est montré "plus circonspect" sur la proposition de supprimer la solde versée aux élèves (environ 500 euros par mois).
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