Daniel Legrand, un des acquittés de l'affaire Outreau, jugé à Rennes depuis le 19 mai dans le dernier volet de ce dossier, saura vendredi s'il est de nouveau acquitté, ainsi que l'a requis jeudi l'avocat général, et si "la malédiction Outreau" est définitivement derrière lui.
Dans son réquisitoire, l'avocat général Stéphane Cantero a longuement plaidé jeudi pour son acquittement, non pas au bénéfice du doute, mais parce qu'il "est innocent, parce qu'il n'a rien fait!".
A tel point que, comme à Paris en appel en 2005, les six avocats de la défense, la plupart anciens conseils des acquittés d'Outreau, ont choisi de ne pas plaider, ne laissant guère de doute sur l'issue qu'ils attendent du délibéré.
"L'avocat général dit la vérité, il a compris que j'étais innocent. J'attendais que ça. Je n'ai rien fait", s'est réjoui Daniel Legrand.
A la réouverture de l'audience, vendredi à 9h, il sera invité à s'exprimer une dernière fois. "Demain, je ferai parler mon c?ur", a indiqué ce jeune homme de 33 ans qui, après avoir vécu les deux mois du procès de Saint-Omer (Pas-de-Calais) en 2004 et les quatre semaines de l'appel à Paris en 2005, vient d'affronter trois nouvelles semaines de procès pour des accusations de viols pédophiles, mais, cette fois, devant la cour d'assises des mineurs.
Treize des 17 accusés de cette affaire, parmi lesquels Daniel Legrand mais aussi son père homonyme décédé depuis, avaient été acquittés en 2004 et 2005 à l'issue de ce qu'on a surnommé le "fiasco judiciaire d'Outreau". Le président de la République Jacques Chirac leur avait même présenté ses excuses.
Mais Daniel Legrand ayant été renvoyé devant les assises pour une période où il était en partie mineur, seules les accusations portant sur sa majorité avaient été jugées.
Le parquet général de Douai avait fait savoir aux avocats de la défense en 2006 qu'il n'envisageait pas d'audiencer "en l'état" ce nouveau procès, autant pour éviter aux victimes, alors enfants, de replonger dans l'affaire, qu'en raison de la similarité des faits reprochés à Daniel Legrand, pour lesquels il venait juste d'être acquitté.
- 'la malédiction Outreau'-
C'est l'association Innocence en danger qui en 2013 a tenu à rappeler cet "oubli" au parquet général de Douai, à quelques semaines de la prescription. Et le nouveau procureur général a choisi d'audiencer ce procès qui, en onze jours de débats et une cinquantaine de témoins a semblé une "redite" complète des deux précédents.
Tous les "acquittés" vivants, les quatre condamnés pour avoir violé les quatre fils Delay, - parmi lesquels leur mère Myriam Badaoui dont les multiples accusations dans l'instruction puis les revirements aux procès avaient fait basculer l'affaire -, mais aussi l'ancien juge d'instruction Fabrice Burgaud, sont venus témoigner au procès de Rennes.
Si les avocats des parties civiles ont à de nombreuses reprises argué que ce procès avait le mérite de redonner la parole aux victimes dont les souffrance ont été escamotées par la place donnée aux acquittés, il était difficile de savoir, à la fin des débats, quel bénéfice en tireront les jeunes hommes d'une vingtaine d'années que sont devenus Chérif, Dimitri et Jonathan Delay, qui s'étaient constitués partie civile.
L'avocat général a estimé que les accusations qu'ils ont porté à Rennes pour la première fois contre Daniel Legrand étaient le fruit de "souvenirs reconstruits", résultant de leur enfance de traumatismes et de viols mais aussi des violences psychologiques vécues lors de l'instruction et des procès.
"C'est les respecter aujourd'hui que de leur dire qu'ils se trompent", a-t-il clamé.
Mais Jonathan ne l'a pas vu ainsi: "Je me sens blessé C'est une honte!", a-t-il réagi. "Il me dit que je me suis trompé de personne mais est-ce qu'il a le droit de me regarder dans les yeux et de me dire que je me suis trompé?", a-t-il demandé. "Est-ce qu'il était là quand il y avait tous ces sévices à la maison?".
Ce procès est "une chance de briser la malédiction Outreau", estimait jeudi Me Sylvain Cormier, un avocat de Jonathan qui plaidait, lui, la culpabilité de Daniel Legrand.
Les jurés, quatre femmes et deux hommes, devront trancher.
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