Comme à Paris en 2005 à l'issue du "fiasco judiciaire" de l'affaire d'Outreau, le ministère public a plaidé jeudi à Rennes l'acquittement de Daniel Legrand au nom de son "innocence", et les avocats de la défense ont renoncé à plaider, estimant que ce procès n'a "pas de sens".
L'audience doit reprendre vendredi matin avec les derniers mots de l'accusé qui encourt 20 ans de réclusion criminelle pour des accusations d'agressions sexuelles et viols sur enfants qu'il aurait commis avant ses 18 ans. "Demain, je ferai parler mon coeur", a indiqué à la presse Daniel Legrand, désormais âgé de 33 ans.
Puis la cour avec les six jurés, quatre femmes et deux hommes, se retirera pour délibérer.
Treize des 17 accusés de cette affaire, parmi lesquels Daniel Legrand mais aussi son père homonyme décédé depuis, ont été acquittés à l'issue des procès de Saint-Omer (Pas-de-Calais) en 2004 et de l'appel à Paris en 2005. Le président de la République Jacques Chirac leur avait même présenté ses excuses.
"Je vous demande" d'acquitter "non parce qu'il y a des doutes mais parce que Daniel Legrand est innocent, parce qu'il n'a rien fait!", a lancé l'avocat général Stéphane Cantero aux jurés, en concluant son réquisitoire de deux heures.
L'avocat général a estimé que les accusations, récentes, des victimes présumées de Daniel Legrand, les enfants Delay, étaient le fruit de "souvenirs reconstruits", résultant de leur enfance de traumatismes et de viols mais aussi des violences psychologiques vécues lors de l'instruction et des procès.
"C'est les respecter aujourd'hui que de leur dire qu'ils se trompent", a-t-il expliqué.
- 'Je me sens blessé'-
"Je me sens blessé C'est une honte!", a réagi peu après l'un des quatre enfants Delay, Jonathan, 21 ans, violé comme ses frères dans son enfance par ses parents et un couple de voisins condamnés pour ces crimes. "Il me dit que je me suis trompé de personne mais est-ce qu'il a le droit de me regarder dans les yeux et de me dire que je me suis trompé?", a-t-il demandé. "Est-ce qu'il était là quand il y avait tous ces sévices à la maison?".
Après le réquisitoire, Jonathan et l'avocat général se sont entretenus de longues minutes en aparté.
"A l'issue de ce réquisitoire lumineux, charpenté, argumenté, il n'était pas utile d'en rajouter", a estimé l'avocat de la défense, Hubert Delarue, qui venait d'annoncer la décision des défenseurs de ne pas plaider. "Dès le premier jour, on a dit que ce procès n'avait pas de sens, notre plaidoirie n'aurait pas eu de sens", a renchéri Frank Berton, un de ses cinq collègues.
M. Cantero a comparé l'instruction d'Outreau, menée par le juge Fabrice Burgaud, à un monde kafkaïen rendant folles les personnes mises en cause, et expliqué ainsi les aveux de culpabilité temporaires de Daniel Legrand.
Les parties civiles, avocats de Chérif, Dimitri et Jonathan Delay, avaient tenté dans leurs plaidoiries de retourner contre Daniel Legrand les "aveux" qu'il avait faits au cours de l'instruction fin 2001. Il s'était rétracté début 2002, expliquant avoir voulu démontrer par l'absurde que ses accusateurs mentaient.
Tout au long des débats, les faiblesses de l'instruction d'origine ont été pointées à de nombreuses reprises, ainsi que la valeur à accorder à la parole des enfants.
Chérif, Dimitri et Jonathan ont pour la première fois affirmé, à ce procès de Rennes, que Daniel Legrand faisait bien partie de leurs agresseurs, accusant également plusieurs des autres acquittés.
Mais leur mère, Myriam Badaoui, principale accusatrice de cette affaire, a témoigné à Rennes, tout comme les trois autres condamnés, que Daniel Legrand n'avait pas participé aux viols.
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