Quand Jean-Marie dénonce "un conquérant, un dictateur", sa femme Claudine relève que Napoléon "a fait de belles choses, dont le Code civil". A Mika qui dénonce "la démesure d'un homme de pouvoir", son amie Claudine rétorque qu'"il a exporté les valeurs de la Révolution" française.
Sous le dôme des Invalides, à Paris, où est exposé son tombeau, les (rares) touristes français témoignent des sentiments ambivalents que l'empereur continue d'inspirer dans son pays, deux siècles après sa défaite à Waterloo.
"Pour moi, Napoléon c'est tout le bien et le mal à la fois", explique Alaume Houdry, étudiant en histoire qui fait visiter le mausolée à un ami palestinien.
"Napoléon a mené des réformes très importantes, il a redonné de la grandeur à la France. Mais il y a quand même eu beaucoup de vies sacrifiées pour ses désirs de grandeur", souligne-t-il.
En France, "il y a à la fois de la fascination et de la répulsion pour Napoléon", résume David Chanteranne, rédacteur en chef de la Revue du Souvenir napoléonien et du magazine Napoléon 1er.
Comme en Russie, en Chine, en Pologne ou même chez "l'ennemi" britannique, "il y a un grand intérêt populaire pour la geste napoléonienne: le personnage, sa silhouette, son caractère de self-made-man", souligne l'historien.
Les figurants se pressent aux reconstitutions des batailles napoléoniennes, ses fans collectionnent manuscrits, chemises et jusqu'à des pots de chambre à son effigie.
- Un bicorne pour le roi du poulet -
Son destin hors du commun, sa mort en exil à Sainte-Hélène, ses femmes (Joséphine la répudiée, la maîtresse Marie Walewska), ont nourri sa "légende".
"Depuis sa mort, un livre ou un article lui est consacré chaque jour", relève l'historien Jean Tulard, qui a tenu la chaire napoléonienne à l'Université de la Sorbonne de 1967 à 2002. Au cinéma, l'"Aigle" apparaît dans plus de 1.000 films. Quatre expositions lui sont actuellement consacrées en France.
La répulsion se nourrit d'un héritage plus lourd: "le rétablissement de l'esclavage en 1802, les 600 à 700.000 morts dans les batailles napoléoniennes et sa volonté expansionniste", souligne David Chanteranne.
Pour ces raisons peut-être, Paris compte nombre d'artères célébrant les victoires de l'empereur, mais aucune avenue, place ou boulevard Napoléon, seulement une modeste rue Bonaparte.
Pour David Chanteranne, la Seconde guerre mondiale constitue une "rupture". Avant, on saluait souvent "un destin hors du commun tel que la République voulait le faire, élever les masses". Mais après la guerre, "on a commencé à le considérer à tort comme le précurseur des grandes dictatures du XXe siècle, en le comparant à Hitler ou Staline."
C'est moins vrai hors d'Europe, souligne-t-il, où son ascension continue d'inspirer. Le roi du poulet sud-coréen a déboursé en décembre 1,8 million d'euros pour un bicorne de Napoléon.
- Des heures d'anecdotes -
"Napoléon n'a jamais fait l'unanimité en France", tempère Jean Tulard, rappelant que la légende de Napoléon a toujours suivi les clivages politiques.
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