Tout le monde sur le pont même s'il ne reste personne à sauver: le naufrage d'un navire de croisière en Chine offre au pouvoir communiste l'occasion d'une grande opération de propagande, censée aussi le prémunir contre toute critique.
Des milliers de policiers, soldats et secouristes ont été dépêchés sur les rives du Yangtsé, où le bateau a chaviré lundi soir avec plus de 450 personnes à bord. Mais seuls 14 rescapés ont été retrouvés, le décès des autres faisant peu de doute.
Pour la coordination du sauvetage, le Premier ministre Li Keqiang est depuis mardi matin omniprésent, lui qui a souvent paru s'effacer derrière le président Xi Jinping.
"L'image du Premier ministre, manches retroussées et mégaphone en main, dirigeant sur le terrain l'intervention des secours, est devenue un trait récurrent de la couverture médiatique des catastrophes en Chine", commente à l'AFP Nicholas Dynon, expert des médias chinois à la Macquarie University de Sydney.
Mercredi, la presse à Pékin accorde aussi une large place à la "miraculée" Zhu Hongmei, extirpée vivante des entrailles du bateau funeste.
On voit la sexagénaire encordée, hissée dans un effort concerté des plongeurs et secouristes, sous les yeux d'agents et militaires en rang d'oignons. Un acte s'inscrivant parfaitement dans le dogme communiste de la société soudée dans l'épreuve.
A l'opposé, le New York Times a publié en première page de son édition internationale la photo d'un cadavre repêché dans le fleuve. Une image moins consensuelle, suggérant que le bilan sera lourd.
Or en Chine, une catastrophe avec un coût important en vies humaines peut rapidement se retourner contre le régime.
Une collision meurtrière entre deux TGV en juillet 2011 avait déclenché une fronde anti-gouvernementale, l'opinion publique étant convaincue que la reprise du trafic ferroviaire avait primé sur l'enquête.
Et une bousculade, qui a fait 36 morts au dernier réveillon du Nouvel an à Shanghai, a également suscité un vent de critiques contre les autorités.
Pékin est également conscient des graves répercussions du naufrage du ferry Sewol l'an dernier en Corée du Sud, après lequel le Premier ministre avait présenté sa démission.
- Version unique des faits -
Pas étonnant dans ces conditions que, pour couvrir la tragédie du Yangtsé, les médias chinois aient reçu pour directive de s'aligner sur seulement deux sources, l'agence Chine nouvelle et la télévision centrale CCTV.
"Des restrictions s'appliquent aux médias sur les lieux du naufrage, y compris à la presse étrangère, ce qui n'est pas surprenant", poursuit M. Dynon. "Pour Pékin, il s'agit d'endiguer le flot des émotions sur le plan intérieur, en verrouillant des informations sans équivoque sur qui sont les héros et les méchants".
L'activisme de Li Keqiang est lui mis en avant. En 24 heures, on l'a vu tenir une réunion de crise dans son avion, penché sur une carte d'Etat-major, puis marteler des instructions aux secouristes devant la coque partiellement émergée du navire chaviré.
Puis M. Li, les yeux vissés à une paire de jumelles, a été filmé scrutant l'horizon, comme si le numéro deux chinois allait subitement découvrir un rescapé appelant à l'aide entre deux eaux.
Selon la presse, c'est le Premier ministre en personne qui a ordonné que davantage de plongeurs fouillent le navire, et que les voies d'accès aux rives boueuses du Yangtsé soient élargies.
Mercredi, les reportages montraient encore Li Keqiang en blouse hospitalière, au chevet d'un survivant.
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