Maiduguri, grande ville dans le nord-est du Nigeria, a été la cible samedi d'un assaut de Boko Haram, repoussé par l'armée nigériane, puis d'un sanglant attentat-suicide dans une mosquée, le tout quelques heures seulement après la prestation de serment du nouveau président nigérian.
Lors de son discours d'investiture, vendredi midi, Muhammadu Buhari a promis d'installer à Maiduguri-même, plutôt qu'à Abuja, un nouveau centre de commandement de l'armée afin de mieux coordonner la contre-insurrection contre Boko Haram, "un groupe de gens fous et sans Dieu".
La riposte ne s'est pas faite attendre. Dans la nuit de vendredi à samedi, peu après minuit (23H00 GMT vendredi), des habitants du quartier périphérique de Dala, dans le sud de Maiduguri, capitale de l'Etat de Borno, se sont réveillés au son de roquettes tirées en rafales, a expliqué à l'AFP un habitant, Modu Karumi.
Son récit a été confirmé par plusieurs autres habitants. Selon eux, durant plusieurs heures, des centaines de combattants islamistes ont tenté d'avancer vers la ville, qui abrite des centaines de milliers de Nigérians chassés de chez eux par les violences dans le nord-est du pays.
"Des roquettes n'arrêtaient pas de voler au-dessus de nos têtes et de tomber sur nos maisons", "c'était un cauchemar", témoigne Malam Yusuf, qui habite le quartier de Dala. Sa maison a été touchée et le pied de son épouse a "volé en éclats".
Un journaliste de l'AFP vivant dans le quartier a entendu ce qui ressemblait à des transports de troupes se déployer sur les limites sud de Maiduguri pour bloquer l'avancée des insurgés.
Plusieurs autres habitants ont fait état de roquettes frappant des habitations, sans savoir si elles avaient fait des victimes.
Trois hauts responsables sécuritaires à Maiduguri ont assuré, sous couvert d'anonymat, que l'attaque avait été repoussée. "Tout est sous contrôle", a dit l'un d'eux à l'AFP.
Mais, quelques heures plus tard, un kamikaze pénétrait dans une mosquée de la ville et se faisait exploser, tuant 26 personnes et en blessant 28. La mosquée, dont le toit s'est effondré, jouxte le Monday Market, un marché qui ces derniers mois a essuyé de nombreux attentats-suicides attribués à Boko Haram.
Les observateurs doutent que Boko Haram ait actuellement les capacités de prendre Maiduguri, régulièrement ciblée, mais une attaque d'ampleur pourrait entraîner de lourdes pertes civiles. C'est dans cette ville qu'est né en 2002 le groupe islamiste avant de se lancer en 2009 dans de sanglantes attaques.
- 'Une approche plus pragmatique' -
Le président sortant, Goodluck Jonathan, a été très critiqué pour son incapacité à circonscrire l'insurrection, qui depuis 2009 a fait plus de 15.000 morts et 1,5 million de déplacés. Ce n'est qu'en février que l'armée nigériane a commencé à remporter de réels succès contre Boko Haram, grâce à l'aide de ses voisins, le Tchad, le Cameroun et le Niger. Les islamistes semblent désormais se regrouper dans les zones reculées de l'Etat de Borno, notamment sur la frontière camerounaise.
Son successeur, Muhammadu Buhari, un ancien haut gradé, assure que l'insurrection peut être vaincue et en a fait une priorité de son mandat.
Pour Yan Saint-Pierre, qui dirige le centre d'analyse Modern Security Consulting Group, son projet de transférer d'Abuja à Maiduguri le centre de coordination est "très judicieux". Selon lui, "cela montre une approche plus pragmatique pour lutter contre Boko Haram".
Ryan Cummings, analyste chez Red24, lui voit plutôt ce transfert comme "un geste symbolique". "Je pense que Buhari essaie de faire mentir la perception selon laquelle le nord-est du Nigeria serait de peu d'importance pour l'Etat nigérian et que la sécurité de cette région ne serait pas une priorité pour le régime d'Abuja", dit l'expert.
Pour M. Saint-Pierre, diriger les opérations au plus près des événements pourrait aussi améliorer la coordination régionale, car si une coalition s'est bien créée contre Boko Haram, jusqu'à présent, les différents pays la composant ont agi de manière totalement indépendante.
Dans son discours de vendredi, M. Buhari s'est contenté de remercier ses voisins "pour avoir engagé leurs forces armées afin de combattre Boko Haram au Nigeria", mais il n'a pas indiqué s'il souhaitait poursuivre cette coopération militaire. De son côté, il y a dix jours, le Tchad a pourtant voté en faveur d'une prolongation de son intervention.
Les observateurs jugent qu'une coopération régionale est nécessaire pour vaincre Boko Haram dont les combattants ont été chassés des villes et repoussés vers les zones frontalières.
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