Un tsunami a beau ébranler la Fifa, son capitaine reste à la barre: Joseph Blatter a été réélu vendredi à 79 ans pour un cinquième mandat de président, en plein scandale planétaire de corruption et sous une pression maximale.
Le Suisse, visiblement ému et soulagé, pouvait achever le 65e congrès à Zurich en plaisantant, en riant. Il a résisté aux attaques de la presse et de dirigeants politiques pour battre son unique concurrent, le prince jordanien Ali bin Al Hussein, qui l'a pourtant mis en ballottage.
A l'issue du premier tour, Blatter a raté de peu la majorité qualifiée des deux tiers, avec 133 voix, contre 73 au Jordanien et trois bulletins nuls, sur les 209 fédérations membres de la Fifa. Le Prince Ali (39 ans) est alors monté à la tribune pour annoncer son retrait.
"Je suis de bonne humeur, c'est normal, j'étais un peu nerveux avant ce Congrès", a commenté Blatter.
Celui qui est entré à la Fifa en 1975 comme directeur des programmes de développement et la dirige depuis 1998 en a pourtant traversé, des crises. Mais jamais d'une telle ampleur, avec notamment l'opposition frontale de l'UEFA et de son président Michel Platini, qui lui a personnellement demandé jeudi de démissionner.
Mercredi au petit matin, les justices suisse et américaine déclenchaient un double séisme en lançant deux procédures distinctes pour des faits de corruption présumée à grande échelle, avec à la clef l'arrestation dans leur luxueux hôtel zurichois de sept élus de la Fifa, d'autres inculpations et des perquisitions de son siège.
La justice suisse enquête sur les conditions d'attribution des Coupes du monde 2018 (Russie) et 2022 (Qatar), nouveau rebond d'un feuilleton récurrent qui sent le soufre, et pour lequel l'enquêteur Michael Garcia a rendu son tablier après le refus de la Fifa de publier intégralement son rapport.
Mais c'est l'offensive américaine qui a le plus ravagé l'image déjà écornée de la Fifa: Loretta Lynch, la ministre de la Justice des Etats-Unis, est elle-même montée au créneau pour dénoncer un vaste système de corruption depuis les années 1990 portant, entre autres, sur l'attribution de plusieurs Coupes du monde, dont celle de 2010 en Afrique du Sud.
- Blatter-bashing -
La presse et les réseaux sociaux se sont alors déchaînés contre la Fifa en général et son patron en particulier, même s'il n'est lui-même visé par aucune poursuite judiciaire.
Des politiques ont également fait pression sur le Suisse, comme le Premier ministre britannique. "A mon avis, il devrait partir, a lancé David Cameron. Vous ne pouvez pas avoir des accusations de corruption à ce niveau et à cette échelle dans cette organisation et prétendre que la personne qui la conduit en ce moment est la bonne personne pour la faire avancer."
Mais, se drapant en défenseur N.1 de la Fifa, Blatter s'est d'emblée posé en victime de cette nouvelle affaire et en meilleur rempart, comme il le fait à chaque crise depuis 2011 en se prévalant de ses réformes basées sur l'éthique.
Il a d'abord avancé la thèse de brebis galeuses qu'il ne "peut pas surveiller", puis est passé à un registre plus offensif: "Si le 2 décembre 2010, deux autres pays avaient été désignés organisateurs des Coupes du monde 2018 et 2022, je pense qu'on n'en serait pas là aujourd'hui", a lâché "Sepp", sous-entendant que ces nominations ont provoqué la colère de l'Angleterre, candidate déçue de 2018, et des Etats-Unis, frustrés de ne pas avoir été retenus pour 2022.
Visé par une demande d'extradition des Etats-Unis et libéré après le versement d'une caution d'environ 400.000 dollars, l'ancien président de la Concacaf Jack Warner a aussi estimé vendredi que les "Américains essaient de faire du tort à la Fifa depuis qu'ils n'ont pas obtenu (l'organisation de) la Coupe du monde 2022".
- Inquiétude des sponsors -
Si Blatter conserve la barre de son navire, c'est dans un climat plus que délétère. Même après la réélection, Platini a jugé le changement "crucial" au sein d'une organisation qui "doit retrouver sa crédibilité".
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