Le Conseil constitutionnel a mis fin vendredi à près de deux années de bataille devant la justice, en validant l'interdiction généralisée des coupures d'eau pour les résidences principales y compris lors de non-paiement du service.
Le Conseil constitutionnel a rejeté les griefs présentés par le distributeur d'eau Saur, qui a avait déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) après avoir été attaqué en justice pour une coupure d'eau réalisée sur l'un de ses clients en Picardie.
Dans sa décision, le Conseil a "jugé que l'atteinte à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre qui résulte de l'interdiction d'interrompre la distribution d'eau n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi par le législateur".
Il a ainsi écarté les griefs du distributeur d'eau, qui avait dénoncé "une atteinte excessive à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre". Le Conseil a notamment déduit que "les distributeurs d'eau exercent leur activité sur un marché réglementé".
La justice a ainsi validé la constitutionnalité de la loi Brottes du 15 avril 2013, dont le décret d'application date du 27 février 2014, et qui interdit à tout distributeur de couper l'alimentation en eau dans une résidence principale même en cas d'impayé et cela tout au long de l'année.
C'est la même loi qui a institué aussi le principe de trêve hivernale pour les coupures d'électricité et de gaz, pour tous les consommateurs sans distinction de revenus.
- 'L'aboutissement d'un long combat' -
L'association France Libertés s'est immédiatement félicitée de la décision du Conseil constitutionnel: "Le verdict est sans appel", a-t-elle réagi dans un communiqué.
"Cette décision est l'aboutissement d'un long combat pour le respect de la loi et de la dignité des plus démunis", a-t-elle ajouté, tout en prévenant que la bataille n'est pas complètement terminée.
"Le droit à l'eau n'est visiblement pas la préoccupation des entreprises, notamment de la Saur et de Veolia", a regretté France Libertés, qui s'était portée partie civile.
"Leur acharnement à faire passer leurs objectifs économiques avant les droits humains doit désormais être pris en compte par les collectivités et les élus quand ils prennent les décisions relatives à la mise en oeuvre de ce service public", a-t-elle ajouté, soulignant que "l'eau ne peut pas être traitée comme une marchandise".
Le président PS de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, François Brottes, s'est réjoui d'"une belle victoire pour les défenseurs de la dignité des plus démunis" et de "la reconnaissance d?un besoin essentiel de tous qui l?emporte".
Ce député de l'Isère a aussi noté dans un communiqué que "les distributeurs conservent tous les moyens légaux de recouvrer leurs créances, puisque la dette des usagers n?est pas effacée". "Simplement, le dispositif légal est désormais équilibré: il permet d?apporter un accompagnement spécifique aux plus démunis, tout en neutralisant un éventuel +effet d'aubaine+ pour les autres", selon lui.
Contactée par l'AFP, la société Saur n'a pas souhaité commenter cette décision de justice.
Un de ses clients, chez qui l'opérateur avait coupé l'eau pendant plusieurs mois, avait déposé fin 2014 un recours devant le tribunal d'Amiens (Picardie).
Le tribunal de grande instance d'Amiens a ordonné le rétablissement immédiat de l'eau et mis le reste de son jugement en attente, du fait du dépôt par Saur de cette question prioritaire de constitutionnalité.
La justice avait déjà condamné plusieurs fournisseurs, dont la Lyonnaise des Eaux (Aisne), Veolia Eau (Cher) et la régie publique Noreade (Nord), pour avoir coupé l'eau pendant plusieurs mois à des clients avec des arriérés de factures.
Dans la loi pour la transition énergétique, les députés ont rétabli l'interdiction généralisée des coupures d'eau, que les sénateurs avaient supprimée, mais ils ont donné aux distributeurs la possibilité de réduire le débit, comme c'est le cas pour l'électricité.
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