Muhammadu Buhari devient vendredi le nouveau président du Nigeria à l'occasion d'une cérémonie d'investiture sans précédent pour la première puissance économique d'Afrique, qui n'avait jamais vu un opposant vaincre un chef de l'Etat sortant.
A 72 ans, il prend les rênes du pays le plus peuplé du continent. Mais il va être immédiatement confronté à plusieurs chantiers majeurs, de la lutte contre le groupe islamiste Boko Haram aux graves difficultés économiques.
Cette investiture intervient 32 ans après l'arrivée de ce général au pouvoir grâce à un coup d'Etat. Il avait été évincé de la même manière 20 mois plus tard.
Pavoisée de dizaines de drapeaux internationaux et décorée aux couleurs vert et blanc du Nigeria, Eagle Square, la grande place au centre de la capitale fédérale Abuja, s'est animée tôt vendredi aux sons des chants et des danses traditionnelles pour la cérémonie.
Dans la tribune officielle avaient pris place des présidents africains, dont Jacob Zuma (Afrique du Sud) et Paul Kagame (Rwanda), et des responsables étrangers comme le secrétaire d'Etat américain John Kerry.
Ce qui s'est passé au Nigeria est "un exemple pour toute l'Afrique", a déclaré à l'AFP le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius.
Si le régime civil a été restauré en 1999, le Parti démocratique populaire (PDP) du président battu Goodluck Jonathan n'avait jusque-là jamais lâché le pouvoir.
Pour Bola Tinubu, fondateur et chef du Congrès progressiste (APC), le parti de M. Buhari, cette investiture est en effet "un tournant dans la trajectoire du pays".
"Nous sommes bien conscients des défis dressés contre notre bien-être. L'insécurité, le déclin économique et la corruption, nous devons les combattre sans relâche comme si nous allions à la guerre et non à un carnaval", a-t-il ajouté.
Le nouveau président se décrit lui-même comme un "démocrate converti" et s'est engagé à diriger une administration au service des 173 millions de Nigérians en laminant le fléau de la corruption.
Pour les analystes, sa première tâche pourrait être bien plutôt de répondre aux attentes d'une population qui se bat depuis des décennies avec des infrastructures pitoyables, un chômage écrasant et des violences endémiques.
Bien que le Nigeria soit le premier producteur de pétrole du continent, avec 70% de ses recettes provenant des ventes de brut, la chute des cours et une pénurie de carburant sans précédent ont quasiment paralysé le pays. L'Etat ne verse plus de salaires à des milliers de fonctionnaires, tandis que la monnaie locale, le naira, a atteint un plancher historique.
- Le défi Boko Haram -
Muhammadu Buhari et l'APC ont promis plus d'emplois, plus de sécurité et un meilleur approvisionnement en électricité. Mais avec des caisses publiques vides, les promesses risquent d'être difficiles à tenir.
"Vu que la nouvelle administration sera contrainte de manière significative au niveau de ses ressources, nous pensons que le plus grand défi de Buhari sera de gérer les attentes," analyse la société de recherche et d'investissement Renaissance Capital.
M. Buhari a gagné un large soutien des électeurs grâce à ses positions très fermes contre la corruption.
Cependant, les experts avertissent que pour maintenir sa fragile coalition, il pourrait bien avoir à travailler avec des hommes politiques au passé pas tout à fait irréprochable.
Muhammadu Buhari est originaire du nord du Nigeria, à majorité musulmane, et bénéficie d'un soutien massif dans cette région. Mais il ne l'aurait certainement pas emporté s'il n'avait pas obtenu l'appui du Sud, à majorité chrétienne, et d'anciens poids lourds du PDP liés dans le passé à des affaires de corruption.
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