Chaque année en France, cinq milliards de gobelets en plastique vont gonfler la masse des déchets ménagers. Une petite entreprise pionnière, Canibal, les recueille dans des machines intelligentes et les recycle en revêtement de sols, mobilier de bureau ou rebord de piscine.
Très léger (4 à 8 grammes) et composé d'un mélange de polypropylène ou de polystyrène réputé impossible à recycler, le gobelet en plastique n'est pas trié et 30.000 tonnes finissent incinérées ou enfouies avec d'autres déchets.
"Il est universel, on l'a tous en main au moins une fois dans la journée, sur notre lieu de travail et en même temps, il est perçu comme très polluant", souligne Benoît Paget, co-fondateur de la société Canibal (acronyme de "cannettes mises en balle").
"Laissez-le traîner dans une salle de réunion: il sera immédiatement mis à la poubelle, alors qu'un journal restera plusieurs jours sans déranger personne", poursuit-il en faisant visiter son entrepôt de Gennevilliers, près de Paris.
Forts de ce constat, lui et son associé Stéphane Marrapodi ont mis au point, après quatre années de recherche et développement - en collaboration avec l'école des Arts et Métiers Paris Tech - une machine unique au monde, qui collecte et trie tous les emballages de boissons consommés de façon "nomade": bouteilles, cannettes, gobelets en plastique.
Des filières de recyclage existent de longue date pour les deux premières. Revendu 600 euros la tonne, le polyéthylène des bouteilles sert à produire de nouvelles bouteilles.
De leur côté les cannettes, broyées, deviennent des paillettes d'acier et d'aluminium dont la valeur s'élève respectivement à 100 euros et 1.000 euros la tonne.
Mais seule la société Canibal, qui emploie 17 personnes, travaille à valoriser les gobelets en plastique, recueillis par son collecteur à ordures.
A première vue semblable à un distributeur de boissons, c'est une machine digitale et interactive, multi-primée, notamment au dernier concours Lépine, début mai, où elle a reçu le 3e prix.
- Entièrement "Made in France" -
A chaque déchet déposé dans sa trappe, l'écran affiche un bandit manchot et fait participer l'utilisateur à une loterie où il peut remporter un panier bio, un coupon utilisable à la caféteria ou faire un don à une ONG.
"Faire d'un geste de tri un geste plaisir" est le credo de l'entreprise. "Le côté ludique pour inciter les gens au tri, c'est dans notre ADN", affirme M. Paget.
La machine incite aussi aux gestes "écolos" : "Avez-vous pensé à éteindre la lumière en sortant ?" ou "Pourquoi ne pas opter pour l'escalier au lieu de l'ascenseur ?", lit-on sur l'écran.
Entièrement "Made in France", elle est fabriquée par un cluster de PME et assemblée par la filiale française du japonais Toshiba, à Dieppe.
Cent machines ont déjà été installées dans des entreprises, souvent des multinationales: facturé 499 euros mensuels, le service a séduit environ "le tiers du CAC 40". Canibal table sur 200 fin 2015, et 300 - le seuil de la rentabilité sera alors atteint - l'année suivante.
Et bientôt les 20 tonnes - ou 5 millions de gobelets en plastique - récoltées l'an dernier seront recyclées en "caniplaques", un éco-matériau à l'aspect volontairement brut, permettant de fabriquer mobilier de bureau, revêtement de sols ou objets usuels: pot à crayons, poubelle.
"Quand vous mettez un gobelet dans une machine Canibal, il redevient un produit fini", se félicite M. Paget.
Mais une batterie de tests sont encore nécessaires avant une plus large diffusion.
Cet été, des machines Canibal feront leur apparition dans des festivals de musique tels que Garorock, à Marmande (Lot-et-Garonne), popularisant le concept.
Canibal vise aussi les gares, les aéroports, où sa machine, dotée d'un écran sur le flanc, pourra devenir support d'information et de publicité, à la demande des clients.
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