Fourche à la main, Hanna Wielgus, 70 ans, retourne la terre dans son petit jardin en plein centre de Varsovie, juste à quelques dizaines de mètres d'un grand boulevard où des centaines de voitures sont coincées dans un bouchon.
"Si je n'avais pas ce jardin, je ne sais pas comment je ferais pour joindre les deux bouts", dit Hanna, qui vit avec une petite retraite.
"Bientôt j'aurai des fraises et des groseilles, puis des cerises. En été, des pommes et des poires, et en automne des quetsches. Avec tous ces fruits, je fais des confitures. Ce qui reste, je le distribue aux habitants du quartier", explique-t-elle.
Ces 300 mètres carrés aux Jardins familiaux des Défenseurs de la Paix, où quelque 300 autres familles travaillent comme elle leur lopin de terre, c'est toute sa vie. D'avril à octobre, elle y passe des journées entières.
"Personne n'y est propriétaire, on est juste locataires", dit Hanna. "La terre appartient à la ville".
La tradition de ces jardins où les Varsoviens plantent salades et carottes, voire élèvent poules et colombes, est plus que centenaire. Mais c'est à l'époque communiste que ces jardins alors appelés "ouvriers" ont connu leur âge d'or.
Les autorités voulaient d'une part satisfaire la soif naturelle de terre des populations rurales qui, après la guerre, ont afflué dans les villes. D'autre part, ce fut un moyen de permettre aux habitants de se nourrir dans une économie de pénuries et de leur offrir un ersatz de "propriété" à une époque où la propriété n'existait pas.
Aujourd'hui, d'anciens propriétaires de ces jardins réclament précisément la restitution de leurs biens immobiliers confisqués par le régime communiste après la guerre. Une démarche qui sème la panique chez les utilisateurs de ces lopins de terre. Au moins 22 procédures de restitution sont en cours à la mairie de Varsovie.
- 'Pour le fun' -
Les jardins familiaux résistent en tout cas vaillamment à la poussée de la ville en pleine expansion, et surtout à l'appétit des promoteurs immobiliers qui y jettent des regards de convoitise.
Bartlomiej Pawlak défend ainsi son bout de verdure intra muros. "Autour de nous, il n'y a plus que des immeubles qui poussent. Dans nos lopins, on se sent encore comme à la campagne", dit cet homme qui élève même des chèvres -- "pas pour de l'argent" mais "pour le fun" et pour ses enfants.
Selon Jacek Bielecki, expert immobilier, "dans aucune capitale européenne il n'y a de jardins familiaux dans le centre comme à Varsovie".
"Dommage que ces terrains soient gelés", dit-il: ils offrent "toute l'infrastructure indispensable à la construction: il y a le métro, les transports publics, les canalisations, l'eau, l'électricité, le gaz".
Tout pour plaire aux promoteurs, donc, dans une ville de 1,7 million habitants où un mètre carré de terrain vaut environ 2.500 euros, voire davantage quand la localisation est particulièrement bonne.
Pour M. Bielecki, "il serait plus logique de transférer hors de la ville" ces jardins familiaux, car les promoteurs sont contraints de construire sur des terrains excentrés et, selon lui, "la ville s'étire trop".
Il n'en est pas question, du moins pour l'instant, rassure Marek Mikos, directeur du département d'architecture à la mairie. "Les jardins familiaux, c'est de l'espace vert. Ils jouent un rôle écologique important. Grâce à eux, au moment des canicules d'été, la température de l'air dans la ville baisse, ils absorbent la pollution", argue-t-il.
Le concept urbanistique de Varsovie repose sur des couloirs ventés, traversant la ville pour une aération naturelle.
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