Trois mois après la fin du procès du volet "abus de faiblesse" de l'affaire Bettencourt, les dix prévenus, dont l'ex-ministre UMP Eric Woerth, soupçonnés d'avoir abusé à divers degrés de la vulnérabilité de la richissime héritière de L'Oréal, seront fixés jeudi sur leur sort.
Le tribunal correctionnel de Bordeaux se prononcera le même jour sur un autre volet de l'affaire, jugé fin mars, un présumé "trafic d'influence" atour d'une légion d'honneur, dans lequel Eric Woerth et l'ex-gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, sont aussi poursuivis.
Sommes vertigineuses, démesure du monde des ultra-riches, rancoeurs étalées au grand jour : pendant un mois, du 26 janvier au 25 février, les trois juges bordelais se sont plongés dans les déchirements familiaux autour de la femme la plus riche de France (36 milliards d'euros) et les luttes de clans dans son hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).
Le tribunal a eu la tâche ardue de démêler les dons et legs relevant de la générosité de la 10e fortune mondiale, des largesses - se comptant parfois en centaines de millions d'euros - qui ont pu lui être soutirées alors que son état de santé déclinait.
Le tout sur fond de débat entre spécialistes sur les capacités de discernement, sur courant manifestement alternatif, entre 2006 et 2011, de la multimilliardaire âgée aujourd'hui de 92 ans et atteinte de la maladie d'Alzheimer, qui n'a pas assisté au procès.
- Deux absents -
Sur les dix prévenus poursuivis pour abus de faiblesse, blanchiment, recel et complicité, seuls huit ont finalement comparu : Alain Thurin, ex-infirmier de la vieille dame, a tenté de se suicider la veille du procès et n'a pu être jugé ; l'ex-gestionnaire de l'île seychelloise des Bettencourt, Carlos Vejarano, ne s'est pas présenté, faisant valoir des raisons médicales.
Après plus de quatre semaines de débats intenses, le procureur a requis la peine maximale -- trois ans de prison ferme et 375.000 euros d'amende -- contre le photographe François-Marie Banier, 67 ans, qui a invariablement invoqué à l'audience "le plaisir de donner" de son amie Liliane, une femme "extrêmement généreuse" qui avait, selon lui, "toute sa tête".
Trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis, et 375.000 euros d'amende, ont été requis à l'encontre de Patrice de Maistre, et de Martin D'Orgeval, compagnon de Banier. De la prison ferme a été également réclamée contre Vejarano.
La relaxe a, en revanche, été demandée pour l'ex-ministre de Nicolas Sarkozy, Eric Woerth, poursuivi pour "recel" et qui a démenti formellement avoir touché de l'argent de Patrice de Maistre. Relaxe réclamée aussi pour l'entrepreneur audiovisuel Stéphane Courbit, l'avocat Pascal Wilhelm et un des deux notaires poursuivis.
Le même procureur, Gérard Aldigé, a requis un mois plus tard la relaxe pour MM. Woerth et de Maistre dans le volet "trafic d'influence", où le premier était soupçonné d'avoir remis la légion d'honneur au second en échange d'un emploi pour son épouse auprès des Bettencourt.
- Des rebondissements, encore -
Dossier hors-norme, surgi en 2007 d'un conflit mère-fille ayant viré au feuilleton politico-financier dans lequel l'ex-président Nicolas Sarkozy, un temps mis en examen, bénéficia finalement d'un non-lieu, l'affaire Bettencourt n'en finit pas de connaître des rebondissements : fin avril, deux mois après la fin de l'audience bordelaise, une vielle amie et deux ex-employées de l'héritière de L'Oréal, témoins au procès, ont été mises en examen à Paris pour "faux témoignages".
Ces mises en cause, dans une procédure distincte ouverte après des plaintes de Banier et de Maistre en 2012, font suite à la mise en examen pour le même chef, fin 2014, de l'ex-comptable de la milliardaire, Claire Thibout. La principale accusatrice des deux hommes, interrogée par visioconférence, a maintenu ses déclarations au procès.
Ce télescopage procédural avait poussé les avocats de la défense à demander, en vain, un renvoi, en attendant la fin de l'instruction parisienne.
Après le jugement, Bordeaux n'en aura pas fini avec l'affaire Bettencourt. Deux autres procès sont attendus : les 8 et 9 juin pour le volet "violation du secret professionnel" dans lequel est mise en cause la juge de Nanterre Isabelle Prévost-Desprez ; puis à une date encore inconnue pour le volet "atteinte à la vie privée", où sont poursuivis cinq journalistes et l'ex-majordome de Liliane Bettencourt, Pascal Bonnefoy, auteur des enregistrements clandestins qui précipitèrent l'affaire.
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