Report de six mois de la pleine application du compte pénibilité, abandon de la fiche individuelle obligatoire: le Premier ministre a annoncé mardi une simplification drastique de ce dispositif emblématique de la réforme des retraites, pour répondre aux inquiétudes des entreprises.
Ces mesures doivent "lever toutes les inquiétudes qui pouvaient exister parmi les employeurs", a espéré Manuel Valls, qui a voulu adresser "un message de confiance aux chefs d'entreprise", une semaine avant la conférence sur l'emploi dans les TPE-PME.
Le gouvernement déposera "aujourd'hui même" plusieurs amendements au projet de loi sur le dialogue social, dont l'examen débute mardi, a-t-il précisé.
Réservé aux salariés du privé, le compte pénibilité doit permettre à ceux ayant exercé des métiers pénibles de se former, travailler à temps partiel ou partir plus tôt à la retraite en accumulant des points. Toute la difficulté résidait, pour certains facteurs, dans l'appréciation de l'exposition à la pénibilité.
Une simplification du dispositif était ardemment réclamée par les organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) pour lesquelles les modalités individuelles actuelles constituaient un "frein" à l'embauche et redoutée par les syndicats.
Face à la fronde du patronat, Manuel Valls reprend à son compte les préconisations d'un rapport remis dans la matinée et va plus loin encore. Il assume "une profonde simplification et sécurisation du dispositif" mais "sans remettre en cause les nouveaux droits créés pour les salariés concernés par des situations de travail pénibles".
Première annonce: l'employeur n'aura "plus de mesures individuelles à accomplir" systématiquement, il pourra "se contenter d'appliquer le référentiel de sa branche". La fiche individuelle, décriée par le patronat, "lourde" à renseigner selon les rapporteurs, perd ainsi son caractère obligatoire.
Le référentiel, préconisé par le député PS Christophe Sirugue, le chef d'entreprise Gérard Huot et le conseiller à la Cour des comptes Michel de Virville, "identifiera quels postes, quels métiers ou quelles situations de travail sont exposés aux facteurs de pénibilité", a expliqué Manuel Valls.
- Les branches auront la main -
Ce "mode d'emploi" pourra faire l'objet d'un accord entre organisations patronales et syndicales de la branche "mais la plupart du temps ce sera des référentiels patronaux", anticipe l'entourage du Premier ministre. L'Etat homologuera ces référentiels "pour s'assurer qu'ils ne seront pas n'importe quoi", dans "un sens comme dans l'autre".
Pour simplifier encore la tâche des entreprises, elles n'auront qu'une déclaration à faire chaque année auprès de la caisse de retraite, via le logiciel de paie. La caisse calculera les points et "se chargera d'informer les salariés de leur exposition et des points dont ils bénéficient". Sur le financement, pas de changement: les entreprises concernées auront une cotisation supplémentaire.
Autre annonce de nature à satisfaire les organisations patronales: le report au 1er juillet 2016 de l'application des six derniers critères. Les quatre premiers (travail de nuit, travail répétitif, en horaires alternants ou en milieu hyperbare) étaient pris en compte depuis janvier.
Laurent Berger (CFDT), avait signalé mardi matin qu'un report "après 2016" serait un "casus belli".
"Cela laisse un an aux branches pour faire le travail d'élaboration des référentiels mais sans pénaliser les droits des salariés", a expliqué à l'AFP l'entourage du Premier ministre. Les salariés auront "exceptionnellement" des points équivalant à une année entière pour 2016, a assuré M. Valls.
Avec les 10 critères, 3 millions de salariés seront potentiellement concernés.
Le Premier ministre a également promis de "modifier la définition de certains facteurs", comme suggéré par le rapport pour une majorité des critères. Une mission particulière est lancée pour les "gestes répétitifs".
Enfin, "toutes les préconisations de sécurisation juridique" du rapport seront également reprises, précise l'entourage du Premier ministre. Ainsi, les référentiels homologués seront opposables en cas de litige et le délai d'éventuels contentieux réduit à deux ans (au lieu de trois).
Sur le volet prévention, cher aux syndicats, le Premier ministre indique qu'il "souscrit pleinement à la proposition des rapporteurs de mettre un accent fort sur la prévention" et renvoie au "futur plan santé au travail en cours d'élaboration".
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