Les manifestants hostiles au président burundais Pierre Nkurunziza ont de nouveau défié la police lundi dans les rues de Bujumbura, mais également en province, où au moins un protestataire a été tué par les tirs des policiers.
Après un week-end de trêve endeuillé par l'assassinat d'une de ses figures, la mobilisation a été plutôt timide dans la matinée, pour monter en puissance dans la journée, au fil des incidents avec la police.
A Bujumbura, où la contestation reste concentrée, la Croix-Rouge a enregistré 21 blessés sur la journée. Mais le calme était revenu dans les quartiers contestataires en début de soirée.
Les policiers avaient pris position dès l'aube dans et autour des habituels foyers de contestation pour empêcher ou circonscrire tout rassemblement : à Musaga et Kinanira (sud), théâtre la semaine dernière de nombreux affrontements, Kanyosha, Nyakabiga, ainsi qu'à Ngagara, quartier où a été tué samedi soir l'opposant Zedi Feruzi, une figure du mouvement actuel contre le pouvoir présidentiel.
A Cibitoke (nord), plusieurs centaines de jeunes ont défilé aux premières heures du jour, avant d'être dispersés par les tirs en fin de matinée. Peu après, des policiers ont fait irruption dans l'une des cantines improvisées par les habitants pour ravitailler les manifestants. Ils ont renversé la nourriture, confisqué le matériel. Des habitants ont tenté d'intervenir et jeté des pierres sur les policiers, qui ont riposté avec leurs armes. Cinq personnes ont été blessées par balles.
Un autre manifestant a été blessé par balle dans le quartier de Bwiza. Un minibus a été incendié à Kanyosha.
A Kinama, bastion des FNL (opposition) dans le nord de la capitale, des centaines de personnes ont manifesté pour la première fois depuis le début du mouvement fin avril. Des journalistes y ont été témoin d'une descente de jeunes en civil, armés de gourdins et bâtons, qui chassaient les manifestants et que la population mécontente dénonçait comme des Imbonerakure, ligue de jeunesse du parti au pouvoir.
En province, la police a ouvert le feu sur une centaine de manifestants à Mugamba, à 60 km au sud-est de Bujumbura (province de Bururi). Une personne a été tuée, et deux autres blessées. Dans l'après-midi, la population a porté le corps devant le domicile du maire et exigeait qu'il l'enterre de ses propres mains, selon un témoin. Début mai, un adolescent de 15 ans avait été tué par les tirs d'un policier dans cette même province, à Gisozi.
- Blocage total -
Le Burundi connaît depuis un mois un vaste mouvement de contestation populaire contre le président Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005 et candidat à un troisième mandat à la présidentielle du 26 juin.
Les manifestations sont quasi quotidiennes à Bujumbura, émaillées de heurts avec la police qui fait largement usage de ses armes à feu, avec près d'une trentaine de morts en quatre semaines.
Plusieurs responsables de la contestation sont passés dans la clandestinité. Un climat de peur et d'instabilité s'est peu à peu installé dans la capitale, où une lente mais inexorable escalade de la violence semble en marche, avec un faisceau d'incidents qui rappelle chaque jour un peu plus les sombres années ayant précédé la guerre civile (1993-2006).
Samedi soir, Zedi Feruzi, le leader d'un petit parti d'opposition, a été abattu par des inconnus avec son garde du corps. Le mouvement anti-troisième mandat a dénoncé un assassinat politique, et mis en cause le camp présidentiel, qui a rejeté toute responsabilité.
La veille, trois personnes avaient été tuées par l'explosion de plusieurs grenades lancées dans la foule en plein centre-ville. La police a accusé les manifestants d'être liés aux auteurs de cet attentat.
Après la mort de Zedi Feruzi, la Coordination anti-troisième mandat a annoncé "suspendre" sa participation à des négociations, encore en phase préliminaire, avec le gouvernement, sous l'égide de l'ONU et de l'Union africaine.
Malgré cette annonce, de nouvelles discussions ont eu lieu dimanche, en l'absence de l'opposition mais avec quelques représentants de la société civile.
Ces derniers ont finalement confirmé dimanche soir la "suspension" du dialogue, et posé leurs conditions pour s'asseoir de nouveau à la table des négociations: "une enquête rapide et neutre sur l'assassinant de M. Feruzi", et un "changement d'attitude" des représentants du camp présidentiel "qui nous insultent à longueur de journée ()", a expliqué à l'AFP Gabriel Rufyiri, de la société civile.
Ce "dialogue", encouragé par la communauté internationale, se limite pour l'instant à des questions autour des manifestations. Le c?ur du problème, la candidature de M. Nkurunziza à un troisième mandat, n'a pas encore été abordé, et le blocage reste total entre les deux camps sur cette question.
Seuls les chefs d?État des pays de la région, qui doivent se retrouver dans les prochains jours, pourraient être en mesure de débloquer la situation, a estimé une source diplomatique.
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