Les tirs nourris et incessants de la police ont une nouvelle fois échoué jeudi à étouffer les manifestations contre un troisième mandat présidentiel à Bujumbura, où les affrontements se poursuivaient en soirée en plusieurs quartiers, prenant des allures de guérilla urbaine.
Au moins deux manifestants ont été tués par balle, selon un bilan provisoire de la Croix rouge burundaise.
Toute la journée, des incidents ont éclaté à intervalles réguliers dans les habituels quartiers contestataires de la périphérie de la capitale. Autour des grandes avenues ou dans les ruelles, des groupes de jeunes ont affronté à coups de pierre et sur des barricades de fortune les policiers, qui ripostaient à l'arme automatique, tirant en l'air mais également à hauteur d'homme.
Ces violences ont été particulièrement intenses dans le quartier de Musaga (sud), où la police était entrée en force la veille avec la claire intention d'y "restaurer l'ordre" coûte que coûte. Dans la matinée, un manifestant a été mortellement touché au dos par une balle.
Au fil des heures, les accrochages se sont étendus au quartier voisin de Kanyosha, avec des tirs parfois soutenus et en rafale, et n'avaient pas l'air de baisser d'intensité alors que la nuit tombait.
Des scènes identiques ont été signalées, avec néanmoins une moindre intensité, dans les quartiers Kinindo, Rohero 2, Kibenga A Ngagara, deux manifestants ont été blessés, l'un, touché à la tête, est décédé peu après. Ils faisaient partie d'un petit groupe qui essayait de s'approcher de l'Assemblée nationale, où était déployée un fort contingent militaire et policier alors que trois nouveaux ministres prêtaient serment en session extraordinaire.
- 'Ca tire dans tous les coins!' -
"Ca tire dans tous les coins, parfois à la mitrailleuse!", s'est étonné un vieillard, sympathisant des manifestants à Musaga. "Nous sommes attaqués par la police!".
Des habitants évoquaient des scènes de guérilla urbaine au coeur des quartiers contestataires, jusque dans les moindres petites ruelles. Les policiers y apparaissent cependant comme impuissants face à des manifestants, de plus en plus déterminés, qui montrent une animosité toujours plus forte, conjuguée à une peur évidente de la répression.
Seul le quartier de Kamenge, bastion du parti présidentiel dans le nord-est de la ville, et le centre-ville restent pour l'instant épargnés. Une poignée de femmes sont néanmoins parvenues brièvement à se regrouper à la mi-journée sur la place de l'Indépendance, coeur de la capitale et objectif proclamé du mouvement, avant d'être expulsées manu militari par les policiers.
Plus d'une vingtaine de personnes ont été tuées depuis le début, fin avril, des manifestations contre une candidature du chef de l'Etat Nkurunziza à un troisième mandat à la présidentielle du 26 juin. Ce mouvement, qui touche essentiellement la capitale Bujumbura, a été sévèrement réprimé par la police.
Le pays est depuis lors plongé dans une grave crise politique, avec un coup d?État manqué la semaine dernière, et des élections générales censées débuter le 5 juin, après avoir été reportées d'une semaine sous la pression internationale.
Mercredi, le président Nkurunziza avait assuré que "la paix et la sécurité règnent sur 99,9% du territoire burundais", jugeant que le mouvement "d'insurrection" n'était "signalé que dans quatre quartiers" de Bujumbura. Mitrailleuse lourde en tête, son convoi s'est rendu dans la matinée à l'Assemblée, avec en arrière plan des panaches de fumée noire s'élevant dans le ciel, et les tirs de kalachnikov en fond sonore.
Secouée par le coup d?État avorté, l'armée a appelé ses troupes à la "cohésion", condition de la "survie du Burundi en tant que nation", et à "ne pas s'ingérer dans la gestion des affaires politiques, et d'éviter toute forme de violence".
Jeudi, de nombreux militaires sont restés passifs face aux manifestations", ou se contentaient parfois de tirer en l'air, avant de se retirer. "C'est clair, on ne tire pas sur les manifestants!", a confirmé à l'AFP un officier.
Depuis le début de la contestation, l'armée, symbole de l'unité retrouvée du pays après la sanglante guerre civile qui a opposé la minorité tutsi et la majorité hutu (1993-2006) est jugée plus neutre que la police, accusée d'être aux ordres du pouvoir. Mais elle se retrouve aujourd'hui traversée par de fortes tensions.
A ce jour, près de 110.000 Burundais, fuyant la crise politique dans leur pays, ont trouvé refuge dans les pays voisins, dont 70.000 en Tanzanie. Une épidémie de choléra s'est déclarée parmi ces réfugiés sur les rives du lac Tanganyika et a fait 27 morts.
Sur le plan diplomatique, alors que le gouvernement burundais apparaît de plus en plus isolé sur la scène internationale, la Belgique, ancienne puissance coloniale, a menacé d'arrêter son aide bilatérale en cas de troisième mandat de M. Nkurunziza.
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