L'Italien Paolo Sorrentino a offert à Cannes mercredi une fable onirique et optimiste sur le temps qui passe servie par trois monstres sacrés en pleine forme, Michael Caine, Harvey Keitel et Jane Fonda, qui a suscité les passions.
"Youth" (Jeunesse), troisième et dernier film italien en compétition a donné lieu à des réactions enthousiastes comme celle du LA Times - "film gagnant sur toute la ligne, drôle, philosophique et émouvant", une partie de la presse croyant même tenir la future "Palme d'Or".
Mais d'autres, comme le Guardian britannique, y ont vu "un divertissement mineur".
"C'est peut-être le film qui a le plus divisé jusqu'à présent" la Croisette, résumait la bible du cinéma, Variety.
Cette histoire de deux amis, un chef d'orchestre (Michael Caine) et un réalisateur (Harvey Keitel) qui se retrouvent dans un établissement thermal en Suisse, pourrait séduire les frères Coen, co-présidents du jury, avec ses moments de grâce à l'humour décalé.
Exemple: un pensionnaire, sosie de Maradona, obligé de se déplacer avec une canne et une bouteille d'oxygène se met soudain à jouer avec une balle de tennis pour l'envoyer d'un de ses coups de pied magiques à une hauteur vertigineuse.
Ou encore ce passage où Michael Caine, qui ne veut plus diriger la symphonie qu'il a composée, même sollicité par Buckingham Palace, retrouve le plaisir du geste du maestro, inspiré par les clochettes des vaches des Alpes suisses.
"Le temps qui passe, c'est le seul thème qui nous intéresse, combien il nous en reste", a souligné Paolo Sorrentino, lors de la conférence de presse qui a suivi la projection.
"C'est un film optimiste et qui a été fait pour exorciser certaines de nos peurs, les miennes en tout cas", a ajouté le réalisateur de 44 ans, oscarisé en 2013 pour "La Grande Bellezza", autre fable sur la mélancolie de la vie.
Pourquoi ce titre paradoxal ? "Quel que soit l'âge qu'on a, on peut regarder vers l'avenir et c'est la condition pour rester jeune. L'avenir nous donne de la liberté et la liberté nous donne un sentiment de jeunesse".
- Superbe scène finale -
Sur une musique mêlant classique et variétés sirupeuses, les pensionnaires en peignoir blanc se plongent avec précaution dans la piscine, se font masser ou enduire de boue.
Au-delà de leur problème de prostate qu'ils évoquent régulièrement - + Combien de gouttes aujourd'hui ?+ - les deux amis voient défiler leur vie.
Celle d'un musicien pour Michael Caine (82 ans) qui a négligé femme et enfants, tout donné à son art, refuse d'écrire ses mémoires et que sa fille traite d'"apathique".
Face à lui, le réalisateur Harvey Keitel s'obstine au contraire à vouloir faire un dernier film-testament dont il a trouvé le titre "Le Dernier jour de ma vie" mais pas la scène finale.
Son actrice sera Jane Fonda, dont il a lancé la carrière et qui débarque en blonde à perruque bouclée dans l'établissement, celui-là même où Thomas Mann a écrit "La Montagne magique".
La tornade de 77 ans ne prend pas de gants pour lui annoncer son refus - "Tes derniers films étaient de la merde, tu ne comprends plus le cinéma, ta carrière est terminée", lui crache-t-elle au visage, avant de lui annoncer qu'elle a accepté de tourner dans une série télévisée.
Privé de sa star et de son projet, il ne survivra pas tandis que le musicien retrouve au contraire le goût de la vie, offrant au film une superbe scène finale.
Les trois stars sont formidables de justesse, les deux hommes en créateurs aigris et Jane Fonda en caricature de vieille actrice.
"La distribution est brillante, et si l'un de nous doit être récompensé, alors nous devons tous être récompensés", a plaisanté Michael Caine, qui n'était pas venu à Cannes depuis près d'un demi-siècle.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.