Dix ans après le fiasco qui avait ébranlé l'institution judiciaire, l'affaire d'Outreau resurgit avec l'ouverture mardi à Rennes du procès de l'un des 13 acquittés, Daniel Legrand, qui doit répondre de viols d'enfants qu'il aurait commis alors qu'il était mineur, replongeant dans le cauchemar d'un 3ème procès.
Dès le début de l'audience publique, le président de la cour d'assises des mineurs d'Ille-et-Vilaine est intervenu pour calmer les échanges tendus entre avocats des parties adverses, réclamant des débats "clairs (et) aussi sereins que possible".
Puis la cour s'est penchée sur personnalité de Daniel Legrand, poursuivi pour des accusations de viols - sur les quatre fils de la famille Delay, dont le père et la mère ont reconnu avoir abusé sexuellement - retenues contre lui en 2003 à l'issue de l'instruction initiale de l'affaire d'Outreau et qui n'avaient pas encore été jugées pour la période où il était mineur.
- 'Je n'ai plus l'habitude' -
Daniel Legrand, 33 ans aujourd'hui, sans emploi et adulte handicapé, suit un traitement médicamenteux lourd.
"Je n'ai plus l'habitude", s'est-il excusé auprès de la cour lorsqu'il lui a été rappelé qu'il devait se tourner vers le président pour répondre aux avocats, lui qui a passé deux mois devant la cour d'assises lors du 1er procès Outreau en 2004 puis un mois en appel à Paris en 2005.
Depuis un internement psychiatrique en 2007, après l'acquittement puis l'indemnisation, Daniel Legrand, entre-temps devenu père d'un petit garçon de 4 ans, reçoit un traitement anti-psychotique complété de valium et de subutex, a confirmé un expert. "C'est l'anxiété qui l'a structuré depuis son jeune âge", a ajouté le Dr Ait Menguellet, précisant qu'il n'était pas psychotique.
- 'Moi aussi je suis à plaindre!' -
Malgré cela, il s'est montré assez combatif lorsque les avocats de la partie civile, après avoir essayé de lui faire dire qu'il allait se fournir en cannabis à Outreau alors qu'il a toujours affirmé n'y avoir aucun lien, a abordé la question de son fils dont le prénom est tatoué sur l'un de ses bras.
"Si votre fils vous dit un jour qu'il a fait l'objet d'agression sexuelle comment vous réagirez?", a demandé Me Patrice Reviron. "Je le vivrais mal, je pourrais pas le supporter!", a répliqué M. Legrand.
Mais alors que Me Reviron lui demande de faire le parallèle avec l'âge de Jonathan Delay lorsqu'il a fait l'objet de sévices, Daniel Legrand s'emporte: "Je le connais pas, son âge à l'époque des faits, je veux pas le savoir, je veux pas m'intéresser à ce gosse-là (): moi aussi je suis à plaindre, c'est pas un long fleuve tranquille"
Avant de conclure: "Je sais même pas ce que je fais ici"
Les avocats de la partie civile ont aussi tenté de démontrer que contrairement à ce que Daniel Legrand, passionné de football pour lequel il a arrêté sa scolarité à 16 ans, affirme, il n'aurait pas pu devenir joueur professionnel.
Après quoi, tels des boxeurs, les avocats de Daniel Legrand se sont succédé pour venir au secours de leur client, Julien Delarue soulignant combien l'enquête de personnalité de l'instruction initiale était "indigente" ou Me Berton trouvant "gonflée" la partie civile "de venir lui faire son procès".
En fin de journée sa mère, Nadine Legrand, est venue à la barre, soutenir son fils. "Je me revois il y a dix ans vous interroger de la même manière", a remarqué Me Delarue, l'un des avocats de son fils, qui défendait aussi en 2004 le père homonyme de Daniel Legrand, l'un des 13 acquittés, décédé en 2012.
Le dossier d'Outreau, portant sur un réseau pédophile présumé, a éclaté en février 2001. Mais après deux procès, à Saint-Omer (Pas-de-Calais) en 2004 puis en appel à Paris fin 2005, l'affaire a débouché sur l'acquittement de 13 personnes sur les 17 mises en examen, après parfois trois ans de détention provisoire.
La journée de mercredi sera consacrée aux parties civiles.
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