Quelques milliers d'enseignants sont descendus dans la rue mardi, brandissant pour certains le Gaffiot ou une écharpe de l'équipe de foot allemande, pour protester contre la réforme du collège dont la ministre de l?Éducation a répété qu'elle "se fera".
Un gros quart des professeurs des collèges publics (27,61%) ont répondu à l'appel d'une intersyndicale de sept organisations selon le ministère de l?Éducation, alors que le Snes, principal syndicat du secondaire, annonçait "plus de 50%" de participation.
Depuis deux mois qu'a été présentée la réforme, le débat public a surtout été porté par les politiques ou les intellectuels. Ce mardi, c'était au tour des enseignants de donner de la voix, avec des défilés organisés dans une cinquantaine de villes.
Se sont retrouvés côte à côte le Snes-FSU, le Snep-FSU, le Snalc (classé à droite, même s'il le réfute), FO, la CGT et SUD. Le Snalc, qui a recueilli 5,5% des voix lors des dernières élections professionnelles, appellera au boycott des épreuves du brevet de troisième fin juin si la réforme n'est pas retirée. La FSU dit réfléchir à "d'autres types de mobilisation".
Une partie de l'intersyndicale appelle au retrait pur et simple de la réforme. Pour le Snes, "il est encore temps () de reprendre le fil des discussions et de stopper ce qui s'annonce comme un véritable gâchis pour les jeunes, pour nos professions".
Mais Najat Vallaud-Belkacem l'a répété: la réforme entrera en vigueur comme prévu à la rentrée 2016 car "elle est indispensable". Elle a cependant assuré "entendre" les enseignants, en grève ou pas, et promis "des garanties" pour une bonne mise en ?uvre de la réforme dans les textes d'application.
La réforme ne passera pas devant le Parlement car son principe a déjà été voté, en 2013, dans le cadre de la loi de refondation de l'école.
Les manifestations -- 1.400 personnes à Lyon, un millier à Lille, 600 à Toulouse ou 500 à Bordeaux selon la police, comptaient nombre de professeurs de langues anciennes et d'allemand. A Paris, les manifestants étaient 3.500 selon la préfecture et "plus de 10.000" selon le Snes.
- 'Cicéron, avec nous!' -
Les profs de latin et grec craignent un effritement de leurs horaires avec la suppression de ces options, remplacées par un enseignement pratique interdisciplinaire.
Même inquiétude chez les profs d'allemand, dont la discipline pâtira, selon eux, de la suppression des classes bilangues (deux langues étrangères dès la sixième, des classes suivies par 16% des élèves de sixième). La réforme propose à la place une deuxième langue pour tous en cinquième.
Une écharpe de la Mannschaft autour du cou, Marie-Thérèse Feuillet, prof d'allemand dans l'Ain, refuse la disparition des classes bilangues. "Je travaille dans un collège rural. Grâce à ces classes, nous avons pu ouvrir nos élèves à un horizon culturel très différent." Pour elle, la réforme "ne permettra pas de délivrer un enseignement de qualité" en langues étrangères.
A Paris, certains ont défilé leur dictionnaire latin, une prof était même en toge, tandis que d'autres d'autres chantaient "Cicéron, avec nous!".
Les mesures sur les langues ont suscité de très vives réactions à droite et auprès de quelques personnalités de gauche. Mais ce sont l'autonomie accrue accordée aux établissements et l'interdisciplinarité (qui consiste à croiser deux disciplines lors d'un même cours) qui mécontentent le plus les syndicats anti-réforme.
Ils redoutent que la première donne trop de pouvoir aux chefs d'établissement et que la seconde grignote les horaires de chaque matière, dans un pays où le corps professoral est très attaché à ses disciplines.
"L'idée d'interdisciplinarité n'est pas mauvaise", nuance Mathilde Avenin, prof de français à Bois-le-Roi (Seine-et-Marne). "Mais il faut les horaires qui vont avec. Cette réforme ne fera pas un collège meilleur, elle va juste creuser les inégalités", estime-t-elle, a contrario de la ministre.
La réforme a aussi ses partisans: la gauche bien évidemment, deux syndicats dits réformateurs (SE-Unsa et Sgen-CFDT), la FCPE, première fédération de parents d'élèves, et l'enseignement privé catholique, auquel la réforme s'applique aussi.
Najat Vallaud-Belkacem, en poste depuis fin août, a affronté sa première grève. Vincent Peillon, parti en avril 2014, avait été très affaibli par la fronde contre la réforme des rythmes scolaires.
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