Une partie des enseignants ont cessé le travail mardi pour descendre dans la rue, à l'appel d'une intersyndicale majoritaire parmi les professeurs du collège, remontés contre la réforme de Najat Vallaud-Belkacem. Un baptême du feu pour la ministre, en poste depuis moins d'un an.
Après les personnalités politiques et les intellectuels, qui se livrent depuis un mois une féroce guerre des mots, c'est donc aux enseignants de donner de la voix.
Un gros quart des professeurs des collèges publics (27,61%) ont répondu à l'appel de l'intersyndicale selon le ministère de l'Education, alors que le Snes, principal syndicat du secondaire, estime la participation à la grève à "plus de 50%".
Comme à chaque grève, les estimations varient sensiblement entre le gouvernement et les syndicats. Le ministère dit se baser sur le nombre de professeurs absents lors des deux premières heures de cours. "On considère qu'on a le gros des troupes", précise-t-on. Une méthode contestée par le Snes.
Malgré cette nouvelle étape dans la contestation, le Premier ministre Manuel Valls s'est dit "confiant": "cette réforme va être mise en ?uvre comme c'était prévu, et le décret sera publié le plus rapidement possible".
Des syndicats habituellement opposés entre eux ont lancé cet appel à la grève et invitent les mécontents à manifester dans une cinquantaine de villes. A Paris, le défilé partira du jardin du Luxembourg à 14H00.
Se retrouvent côte à côte le Snes-FSU, le Snep-FSU, le Snalc (classé à droite, même s'il le réfute), FO, la CGT et SUD. Le Snes appelle à la reprise des négociations, bien que la réforme ait été validée par le Conseil supérieur de l'éducation, tandis que le Snalc, FO et SUD par exemple réclament son retrait pur et simple.
Ces organisations ont recueilli au total 80% des voix des enseignants du collège qui ont voté lors des dernières élections professionnelles (dont le taux de participation était de 40%). Mais tous les syndicats, y compris ceux qui n'appellent pas à la grève, s'attendent à une forte mobilisation des professeurs de langues anciennes et d'allemand.
Les profs de latin et grec craignent un effritement de leurs horaires avec la suppression de ces options, remplacées par un enseignement pratique interdisciplinaire consacré aux langues et cultures de l'Antiquité.
- Soutien du privé pour la réforme -
Même inquiétude chez les profs d'allemand, dont la discipline pâtira, selon eux, de la suppression des classes bilangues (deux langues étrangères dès la sixième, des classes suivies par 16% des élèves de sixième). La réforme propose à la place une deuxième langue pour tous en cinquième.
Ces mesures ont suscité de très vives réactions à droite et auprès de quelques personnalités de gauche. Mais ce sont l'autonomie accrue accordée aux établissements et l'interdisciplinarité (qui consiste à croiser deux disciplines lors d'un même cours) qui mécontentent le plus les syndicats antiréforme.
Ils redoutent que la première donne trop de pouvoir aux chefs d'établissement et que la seconde grignote les horaires de chaque matière, dans un pays où le corps professoral est très attaché à ses disciplines.
La réforme a aussi ses partisans: la gauche bien évidemment, deux syndicats dits réformateurs (SE-Unsa et Sgen-CFDT, 20% aux élections professionnelles), la FCPE, première fédération de parents d'élèves et l'enseignement privé catholique, qui scolarise 20% des collégiens en France et auquel la réforme s'applique aussi.
Pour la ministre, c'est une première confrontation à un vaste mouvement de protestation, depuis son arrivée à son poste fin août. Elle avait succédé à Benoît Hamon, resté quelques semaines. Vincent Peillon, parti en avril 2014 à la faveur d'un remaniement, avait été très affaibli par la fronde contre la réforme des rythmes scolaires.
Fort opportunément, le ministère vient de publier une étude faisant état de résultats peu glorieux sur les capacités mathématiques des élèves de troisième, réalisée auprès de 8.000 élèves.
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