Un adolescent fuyant la pauvreté dans un voyage périlleux sur les mers, ses parents restés dans un camp de réfugiés, un cousin émigré en Malaisie: le destin d'une famille Rohingya illustre les tourments et les rêves des boat people en Asie.
Après un mois d'enfer en mer, Muhammad Shorif, 16 ans, a atteint les rivages indonésiens comme des milliers d'autres Rohingyas, une minorité musulmane de Birmanie considéré par les Nations unies comme l'une des plus persécutées au monde.
Des journalistes de l'AFP ont retrouvé la famille du jeune homme dans un camp bangladais et un cousin qui avait fait la traversée avant lui et vit depuis en Malaisie, pays à majorité musulmane relativement prospère pour l'Asie du Sud-Est.
De la Birmanie aux villes frontalières du Bangladesh en passant par les camps de clandestins dans la jungle thaïlandaise et les gratte-ciel de Kuala Lumpur, l'histoire des Shorif est celle d'apatrides dont l'exode désespéré a généré un lucratif commerce de la misère humaine en mer d'Andaman, cette Méditerranée de l'Orient.
Ils sont près de 3.000 migrants émaciés, harassés, à avoir débarqué en Indonésie mais aussi en Malaisie au cours de la semaine passée.
D'autres sont morts sur l'eau, d'autres encore, plusieurs centaines, dériveraient toujours à bord de bateaux fantômes, refoulés de leurs eaux territoriales par la Thaïlande, la Malaisie et l'Indonésie.
Muhammad est né à l'intérieur du camp de Nayapara, dans le district bangladais de Cox's Bazar, le long de la frontière avec l'Etat Rakhine en Birmanie. Son père, Abdur Rahman, décrit ainsi le quotidien de ses habitants:
"La pauvreté est partout. Il n'y a pas de travail. Nous vivons dans une cabane de deux chambres, la nourriture que nous fournissent les autorités ne suffit pas", témoigne-t-il.
"Nous ne pouvons pas envoyer nos enfants à l'école, sauf à l'école privée qui est trop chère pour nous. Nous ne sommes même pas autorisés à quitter le camp".
- Un calvaire sans fin -
Abdur Rahman, âgé d'une quarantaine d'années, raconte qu'il a fui la Birmanie avec ses parents en 1992, après la confiscation de leurs terres par le gouvernement.
Il s'est marié dans le camp et a cinq filles en plus de Shorif. Il a tenté de convaincre son fils unique de rester, mais en vain.
"Je lui ai dit que notre calvaire finirait un jour, il ne me croyait pas. Rien dans le camp ne pouvait lui redonner espoir", reconnaît-il.
Inspiré par le parcours "modèle" de son cousin Syed Karim, Muhammad rêvait de partir à l'étranger pour devenir médecin. Il y a un an, Syed, 27 ans, a suivi la route des passeurs dans la baie de Bengale et la mer d'Andaman.
Après être arrivé en Thaïlande, Syed a marché jusqu'à la frontière malaisienne. Selon les associations de défense des droits des réfugiés, la Malaisie a longtemps fermé les yeux sur l'immigration clandestine, en particulier celle des Rohingyas, employés au noir dans la construction ou l'agriculture.
Muhammad dit avoir souffert le martyre sur le bateau des passeurs. Près de 600 migrants - Rohingyas et Bangladais - s'y entassaient sous la menace constante de leurs gardiens armés.
L'adolescent devait rester assis, ses genoux remontés sur sa poitrine, exposé le jour au soleil et au froid la nuit.
"Nous ne pouvions pas dormir sur ce bateau. Quiconque tentait de s'allonger ou de détendre ses jambes était battu. Ils menaçaient même de nous abattre". Il affirme avoir lui-même été l'objet de violences physiques.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.