Daniel Legrand fils, acquitté en 2005 des charges de viols sur mineurs qui pesaient sur lui dans l'affaire Outreau, doit répondre à partir de mardi matin à Rennes de viols sur des enfants qu'il aurait commis alors qu'il était lui aussi mineur.
Ces charges avaient été retenues contre lui en 2003 à l'issue de l'instruction initiale de l'affaire Outreau menée par le juge Fabrice Burgaud mais n'avaient pas encore été jugées.
Comme pour les faits pour lesquels il a été acquitté, les viols présumés auraient été commis sur les quatre fils de la famille Delay, dont le père et la mère ont reconnu avoir abusé sexuellement.
Âgé de 33 ans, Daniel Legrand fils encourt, devant la cour d'assises pour mineurs d'Ille-et-Vilaine, 20 ans de réclusion criminelle.
"On est reçus à Matignon, on est indemnisés et là, on me rejuge, c'est absurde. On s'acharne sur moi", a confié Daniel Legrand à l'AFP à quelques jours du procès. Défendu par une demi-douzaine de ténors du barreau, anciens défenseurs des "acquittés", il se sent néanmoins "plutôt serein et confiant, même si un peu anxieux".
Le dossier d'Outreau, portant sur un réseau pédophile présumé, a éclaté en février 2001. Mais après deux procès, à Saint-Omer (Pas-de-Calais) en 2004 puis en appel à Paris fin 2005, l'affaire a débouché sur l'acquittement de 13 personnes sur les 17 mises en examen, après parfois trois ans de détention provisoire.
Le président de la République Jacques Chirac présenta même ses excuses aux acquittés.
Côté victimes, chez les fils de Thierry Delay et Myriam Badaoui Delay, condamnés à 20 et 15 ans de réclusion pour les avoir violés avec un couple de voisins, la souffrance n'est pas moindre, soulignent leurs avocats.
- 'laissés à la rue' -
Trois d'entre eux, les plus âgés, Chérif, Dimitri et Jonathan Delay, ont décidé de se constituer partie civile.
"Les enfants Delay ont été laissés à la rue, on ne s'est pas beaucoup penché sur la destruction qu'ils ont subie", explique Me Léon Lef-Forster, avocat de Chérif et Dimitri Delay. "S'ils se constituent partie civile c'est qu'ils affirment que M. Daniel Legrand a commis quand il était mineur des actes sur eux".
C'est une association de défense de l'enfance, Innocence en danger, qui est venue en aide à plusieurs des enfants Delay après leur majorité, qui a rappelé au parquet de Douai en 2013 que les charges retenues contre Daniel Legrand fils lorsqu'il était mineur n'avaient pas encore été jugées et qu'elles risquaient d'être prescrites. Une initiative qui a débouché sur ce nouveau procès à Rennes.
Me Lef Forster assure néanmoins, en réponse aux attaques de certains défenseurs de Daniel Legrand, qu'il ne s'agit pas d'"essayer d'obtenir des jurés et des magistrats qu'ils considèrent que la décision (d'acquittement) doit être remise en cause".
L'un d'eux, Hubert Delarue, ne mâche pas ses mots: "Derrière tout ça, en réalité, quoi qu'ils disent, il y a toute l'équipe des révisionnistes qui de manière très couarde, passent leur temps à dire que les acquittés étaient coupables".
Parmi les 43 témoins cités à la barre, les principaux acteurs de l'affaire initiale, comme les "acquittés", mais aussi le juge Burgaud ou Myriam Badaoui, vont défiler pendant trois semaines à la barre.
Qualifiant ce procès de "non sens absolu", Me Julien Delarue, un autre avocat de M. Legrand estime que son "seul mérite" serait d'avoir une décision d'acquittement motivée, ce que la loi n'obligeait pas à faire en 2005, "afin qu'on ne puisse plus affirmer à tous vents que la justice complote, que la justice est injuste".
"Même si cela bénéficie à Daniel Legrand, aucun souci: il faut vraiment aller jusqu'au bout, vider les abcès là où il y en a, que tout le monde puisse s'exprimer, que tout soit dit, qu'on vide tout ce qu'il y a à vider", renchérit, pour la partie adverse, Me Patrice Reviron, un des avocats de Jonathan Delay, le seul qui a annoncé qu'il viendrait témoigner.
Mais il ajoute: "J'ai un client qui se souvient, je ne peux pas lui enlever sa mémoire".
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