Vincent Lindon en chômeur humilié, puis en vigile confronté à un dilemme moral: avec "La Loi du marché", son premier film en compétition à Cannes présenté lundi, le Français Stéphane Brizé livre une ?uvre sans fard sur la brutalité du monde du travail.
Thierry, la cinquantaine, va d'entretiens d'embauche en stages inutiles, de rendez-vous avec des conseillers impuissants en face-à-face blessants avec sa banquière qui lui fait la morale: père de famille d'un enfant handicapé et ouvrier au chômage depuis vingt mois, il se bat pour retrouver un emploi, encaissant les coups avec dignité.
A force d'énergie, il finit par trouver un travail d'agent de sécurité dans un hypermarché. En charge de la vidéosurveillance dans les rayons, il va alors se retrouver dans une situation intenable, forcé d'espionner ses collègues alors que le directeur souhaite licencier du personnel.
Filmant Thierry au plus près dans son parcours du combattant, dans un style frontal, dépouillé et hyperréaliste - il a fait appel à un chef opérateur qui ne fait que du documentaire -, Stéphane Brizé, 48 ans, multiplie les longues scènes de huis-clos.
"J'avais vraiment envie de montrer la brutalité de ces situations, non pas parce qu'elles sont organisées par des gens brutaux, mais juste parce que le système peut être très brutal", a-t-il expliqué à l'AFP.
"Quand un système de travail vous oblige à devenir un homme minable, ça questionne fondamentalement l'intime, notre propre éthique. Est-ce que pour un travail, on est obligé de tout accepter? C'est la question que pose le film", ajoute le cinéaste, dont c'est le sixième film, après notamment "Mademoiselle Chambon" et "Quelques heures de printemps".
Le film, qui sort en salles en France mercredi, livre un tableau édifiant du monde du travail, dont le réalisme est accentué par le fait que tous les acteurs, à part Vincent Lindon, sont des non-professionnels, jouant généralement l'emploi qu'ils exercent dans la vie.
- L'énergie brute de Vincent Lindon -
"C'était un désir vraiment de nourrir la fiction de réalisme et de force du réel", souligne Stéphane Brizé.
Face à eux, Vincent Lindon, acteur fétiche de Stéphane Brizé qu'il retrouve pour la troisième fois après "Mademoiselle Chambon" et "Quelques heures de printemps", donne une énergie brute au personnage de Thierry.
Vincent Lindon "est l'incarnation de l'acteur que je ne suis pas", résume Stéphane Brizé.
Après des films plus intimistes - une histoire d'amour pour "Mademoiselle Chambon" et celle d'un homme et de sa mère mourante dans "Quelques heures de printemps -, le réalisateur s'attaque avec cette ?uvre pour la première fois à un thème social.
Il rejoint une veine de cinéma traditionnellement représentée à Cannes par les films des frères Dardenne, de Ken Loach ou cette année par le film d'ouverture, "La Tête haute" d'Emmanuelle Bercot.
"Je ressentais absolument la nécessité, par rapport à tout ce que j'entends, tout ce que je vois, tout ce que ressens, d'ouvrir la porte au monde qui nous entoure, en plaçant un personnage à l'intérieur de la brutalité de notre monde. Je pense que si je ne l'avais pas fait, j'aurais eu un sentiment de lâcheté", lance Stéphane Brizé.
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