Les supporteurs espagnols peuvent respirer, la saison de football ne s'arrêtera pas prématurément: la justice a suspendu jeudi une grève des joueurs annoncée pour ce week-end parce qu'elle aurait causé un "grave désordre" au Championnat.
Un tribunal de Madrid a suspendu, à la demande de la Ligue de football professionnel (LFP), la grève qui menaçait notamment le match de dimanche entre l'Atletico Madrid et le FC Barcelone au terme duquel le Barça pourrait être sacré champion.
La dernière journée du championnat, le 23 mai, et la finale de la Coupe du Roi entre le FC Barcelone et l'Athletic Bilbao, le 30 mai, étaient également concernées par la grève.
La justice estime que le débrayage à l'appel du syndicat des joueurs aurait provoqué un "grave désordre" dans l'organisation du Championnat et bouleversé les "engagements internationaux de l'Espagne et des clubs". Il s'agit d'une mesure conservatoire, avant une décision sur le fond qui prendra du temps.
La Fédération espagnole de football (RFEF), dont dépendent les arbitres, a immédiatement annoncé après cette décision qu'elle levait sa propre menace de suspendre les matchs à partir de samedi.
La perspective inédite d'une grève illimitée en pleine campagne électorale dans un pays où le football est roi a mobilisé jusqu'au gouvernement. Le secrétaire d'Etat aux Sports, Miguel Cardenal, a organisé une réunion de médiation surprise mercredi soir pour éviter l'irréparable.
Ces discussions ont permis des progrès, mais "nous ne pouvons pas conclure un accord qui nous ferait hara-kiri", avait averti le président de la LFP, Javier Tebas. Il chiffrait à 50 millions d'euros par journée les pertes encourues en cas de grève.
La décision de la justice ne résout toutefois pas la guerre ouverte entre Ligue, Fédération et syndicat des joueurs.
- Un pactole qui divise -
A l'origine du conflit, une réforme du mode de négociation des droits de télévision des matchs espagnols pour en tirer plus d'argent. Les clubs négociaient jusqu'à présent chacun de leur côté. Logiquement, les grands comme le FC Barcelone et le Real Madrid s'en tiraient mieux que les clubs moins connus.
Le gouvernement a donc adopté fin avril un décret réclamé par tout le secteur du football permettant la vente centralisée des droits. Il espérait qu'après avoir rapporté 800 millions d'euros en 2013-2014, ils allaient bondir à 1 milliard.
Mais à peine publié, le décret a été contesté: la répartition du pactole pose problème.
La Fédération est mécontente du rôle trop secondaire dont elle hérite. Le syndicat des joueurs réclame lui, notamment, un partage plus équilibré entre première et deuxième divisions par rapport au 90%-10% prévu dans le décret, ainsi que l'assurance que les fonds tirés des droits TV pourront couvrir les arriérés de salaires de joueurs alors que certains clubs sont asphyxiés par leurs dettes.
Pour les spécialistes du secteur, le conflit vient d'abord de l'inimitié patente entre Javier Tebas et Angel Maria Villar, président de la Fédération depuis 27 ans.
Tebas accuse Villar, qui l'aurait un jour traité de "connard", de se comporter comme "un seigneur féodal". "Les relations ne pourraient pas être pires", relève Alberto Palomar, professeur de droit spécialisé dans le sport à l'université Carlos III de Madrid.
Villar et la Fédération n'ont d'ailleurs pas été invités à la tentative de médiation entre la Ligue et les joueurs.
Le syndicat des joueurs se plaint en outre du rôle offert par le gouvernement à la Ligue lors de la rédaction du décret alors que lui a à peine été consulté. Vexé, l'AFE pourrait également être mécontent du pourcentage des fonds alloué au syndicat dans le décret, inférieur à celui que lui avait promis la Ligue.
Le décret a finalement été entériné jeudi.
Ni la Fédération, ni les joueurs n'auront obtenu d'amendement. La négociation se poursuivra, portant sur une possible amélioration de la convention collective des joueurs ainsi qu'une révision de l'accord bilatéral régissant les rapports entre les deux ennemis: Fédération et Ligue.
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