Etranglé par près de 10 milliards d'euros de pertes cumulées depuis 2011, Sharp, pionnier japonais des écrans à cristaux liquides, s'est engagé jeudi à faire une nouvelle cure d'amaigrissement draconienne afin de se rétablir durablement.
Des milliers de postes seront supprimés dans le monde - dont 3.500 au Japon - dans le cadre d'un vaste plan de restructuration et recapitalisation pour faire face aux pertes massives amplifiées lors du dernier exercice.
"Nous visons en gros une réduction de 10% de notre main-d'oeuvre mondiale", a précisé lors d'une conférence de presse Kozo Takahashi, le patron du groupe qui compte au total près de 50.000 salariés.
"Nous sommes désolés", s'est excusé auprès des actionnaires celui qui dirige Sharp depuis deux ans, devant des centaines de journalistes.
Si M. Takahashi s'était félicité l'an passé d'un bénéfice net en 2013/2014 après deux années noires, la lune de miel aura été de courte durée.
Sharp a fait état d'une perte nette de 222 milliards de yens (1,7 milliard d'euros) pour l'année comptable 2014/15 close en mars et s'est abstenu de donner une estimation de résultat net pour 2015/16, à cause notamment de l'enregistrement de dépréciations sur les moyens de production dans des usines de dalles LCD et panneaux solaires, au Japon comme à l'étranger. Il avait déjà affiché un résultat net négatif de 376 milliards en 2011/12 et de 545 milliards l'année suivante.
Retombé dans le rouge, le groupe est dos au mur. Il va recevoir 100 milliards de yens (environ 750 millions d'euros) de chacune des mégabanques Mitsubishi Tokyo UFJ et Mizuho via l'émission d'actions préférentielles, et 25 milliards de la part d'un fonds, afin de rembourser des dettes. Ce procédé pourrait lui valoir une nouvelle sanction des agences de notation.
Sharp a aussi choisi d'apurer sa situation financière par une réduction de capital, qui sera ramené à 500 millions de yens au lieu de 120 milliards actuellement, une décision radicale plutôt inhabituelle dans des entreprises de cette envergure.
Le but est de "rapidement améliorer la position financière afin de préparer une politique capitalistique plus dynamique et flexible", a expliqué la direction.
- Priorité à l'Asie -
Par ailleurs, le groupe sera réorganisé. Les principales activités vont être déplacées dans cinq sociétés séparées (électronique grand public, énergie, solutions d'entreprises, composants et enfin écrans LCD) afin d'en simplifier la gestion et de faciliter les éventuels partenariats assortis de prises de participations avec des firmes tierces.
Parallèlement, Sharp va en finir avec les TV et produits électroniques en Europe, abandonner les téléviseurs aux Etats-Unis où sera étudiée la possibilité d'une alliance, afin de "concentrer ses ressources sur le Japon et le reste de l'Asie", a indiqué M. Takahashi.
La firme, qui au début du 20e siècle produisait des crayons et boucles de ceinturons, va néanmoins continuer à offrir des solutions professionnelles en dehors de l'Asie, notamment dans le domaine de la gestion de l'énergie (panneaux solaires, batteries, etc.), ainsi que des composants (caméras de smartphones, capteurs divers).
Sharp entend en outre cultiver ce qui a fait sa force depuis des décennies: les avancées dans le domaines des LCD, notamment pour les mobiles. Ce fournisseur d'Apple veut capter "une clientèle stable grâce à des technologies supérieures".
Sharp, qui procure des écrans au sud-coréen Samsung, a récemment été fragilisé par la concurrence, ainsi que par les mouvements défavorables des monnaies sur la production délocalisée d'appareils électroménagers destinés au marché japonais.
Au cours des 12 derniers mois, Sharp a vu son chiffre d'affaires chuter de 4,8% et n'a pas réussi à dégager de marges d'exploitation.
"Nous n'avons pas atteint nos objectifs de vente, notamment pour les TV LCD, les écrans de smartphones et tablettes", a reconnu le groupe.
S'ajoutent des charges accrues de matières premières (dont le silicium pour les panneaux solaires) du fait de contrats d'approvisionnement à long terme.
Sharp se montre cependant confiant quant à sa capacité à stopper l'hémorragie grâce aux dispositions drastiques décidées dans l'urgence puisqu'il espère une remontée de ses revenus de 0,5% à 2.800 milliards de yens (21 milliards d'euros actuels) et un bénéfice opérationnel de 80 milliards durant l'exercice en cours qui sera clos le 31 mars 2016.
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