Au moins 45 personnes ont été tuées mercredi lorsque des hommes armés ont attaqué un autobus transportant des musulmans de la minorité chiite à Karachi, métropole devenue le foyer des violences intercommunautaires qui déchirent le Pakistan, en proie à une montée du fondamentalisme.
Il s'agit de l'attaque la plus meurtrière perpétrée dans ce pays depuis un attentat, ayant également visé la minorité chiite et ayant fait une soixantaine de morts, en janvier dernier à Skikarpur, petite ville de la province méridionale du Sind, dont Karachi est la capitale.
Mercredi, au moins six hommes armés circulant à moto ont ouvert le feu sur un autobus transportant une soixantaine d'ismaéliens, un courant minoritaire de l'islam chiite, d'un quartier à l'autre de Karachi.
"Les assaillants ont commencé par ouvrir le feu sur le chauffeur. Lorsque le bus s'est arrêté, ils ont tiré à l'aveuglette sur les passagers", a déclaré Najeeb Ahmed Khan, un haut responsable de la police locale. "L'un des hommes armés a dit : tuez les tous !", avant qu'un déluge de feu ne s'abatte sur les passagers, a raconté une rescapée.
Après l'attaque, un survivant a réussi à conduire le véhicule rose taché de sang sur sa paroi extérieure et sur les bancs à l'intérieur, jusqu'à un hôpital local où des proches des victimes se sont précipitées pour retrouver des survivants parmi la dizaine de blessés, ou collecter des dépouilles.
"Je suis venu récupérer le corps de mon jeune fils. Il était étudiant et se préparait à passer ses premiers examens au lycée", a péniblement relaté un homme à la voix étranglée de sanglots.
Selon un nouveau bilan de la police, 45 personnes, dont au moins 16 femmes, ont été tuées dans cette dernière attaque en date visant la minorité musulmane chiite, qui représente environ 20% de la population du Pakistan, pays de 200 millions d'habitants en majorité sunnites.
"La cible de l'attaque était bien des (chiites) ismaéliens innocents", a confirmé à l'AFP Ghulam Haider Jamali, le chef de la police de la province du Sind, accusant sans plus de détails, des "terroristes" et des "extrémistes" d'avoir effectué ce raid sanglant.
- Le spectre de l'EI ? -
Un responsable local a montré à l'AFP un tract maculé de sang dans lequel cet assaut est revendiqué au nom de l'organisation Etat Islamique (EI), qui a proclamé un califat à cheval sur la Syrie et l'Irak mais dont la présence réelle dans la région Afghanistan/Pakistan donne toujours lieu à de vives controverses.
La police avait soutenu avoir retrouvé un tract semblable le mois dernier lorsqu'une universitaire américaine, Debra Lobo, avait été la cible de tirs d'hommes à moto, également à Karachi.
Ces tracts, vus par l'AFP, ne portent pas l'emblème de l'EI, organisation à laquelle ont plaidé allégeance d'ex-commandants des talibans pakistanais sans toutefois être clairement adoubés par le chef de ce groupe, Abou Bakr al-Baghdadi.
Un groupuscule jihadiste hostile aux minorités religieuses, le Jundullah, a quant à lui revendiqué cette attaque auprès de l'AFP.
Au cours des dernières années, les attaques se sont multipliées au Pakistan, qui arrive au deuxième rang mondial pour l'importance de sa communauté chiite, derrière l'Iran, contre des membres de cette minorité musulmane, accusés par les extrémistes sunnites de vouloir importer la "révolution iranienne" et d'incarner un courant "déviant" par rapport à une supposée orthodoxie musulmane.
Ces attentats se sont concentrés à Quetta (sud-ouest), Parachinar (nord-ouest), Gilgit (nord-est) mais aussi de plus en plus à Karachi, mégalopole de 20 millions d'habitants régulièrement endeuillée par des affrontements entre groupes armés liés à des partis politiques en compétition pour administrer cette partie du territoire pakistanais.
Les forces de sécurité avaient déclenché à l'automne 2013 une opération afin de rétablir l'ordre dans la capitale économique du Pakistan, où plus de 2.000 personnes avaient été assassinées la même année.
Le chef de l'armée, le général Raheel Sharif, a annulé une visite officielle de trois jours au Sri Lanka en raison de cette nouvelle attaque antichiite à Karachi.
Depuis le raid taliban sur une école de Peshawar, fatal à 154 personnes en décembre, le Pakistan a intensifié sa lutte contre le terrorisme, levé son moratoire sur la peine capitale et exécuté une centaine de condamnés à mort, une mesure décriée par des organisations de défense des droits de l'Homme pour lesquelles elle n'a rien de "dissuasif".
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