Non prise en compte de l'alerte d'un détenu en danger, conditions de détention dégradantes, présence contestée de caméras dans des lieux de soin: la contrôleure des prisons a publié mercredi un rapport critique sur la maison d'arrêt de Strasbourg.
C'est la cinquième fois depuis la création du poste de contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) en 2008 que l'institution a recours à une procédure d'urgence pour formuler des recommandations sur un établissement pénitentiaire.
Dans son texte, publié au journal officiel avec les réponses des ministres de la Justice et de la Santé, Christiane Taubira et Marisol Touraine, la nouvelle contrôleure des prisons, Adeline Hazan, rend compte de dysfonctionnements constatés lors d'une visite de l'établissement effectuée par ses équipes du 9 au 13 mars dernier.
Ce rapport est largement contesté par la garde des Sceaux qui, dans un courrier acerbe, remet en cause certaines constatations fustigeant des "affirmations qui paraissent manquer de précision", "nullement étayées" ou "rapportées sans preuves objectives".
"J'ai été étonnée par le ton employé par la garde des Sceaux", dont "les réponses sont totalement insuffisantes", a réagi Adeline Hazan lors d'un point presse.
Le premier constat concerne la situation d'un homme qui avait signalé subir des violences de la part de son codétenu et craindre pour son intégrité physique au service médico-psychiatrique régional (SMPR). Selon la contrôleure, un médecin aurait alors transmis l'information à un gradé de la prison en insistant sur l'urgence à procéder à un changement de cellule. Mais loin de donner suite, ce dernier se serait rendu dans la cellule de l'intéressé pour lui demander des explications en présence du codétenu. Le lendemain, la personne a indiqué avoir été violée durant la nuit.
Le procureur de Strasbourg a été saisi d'une plainte de victime, rapporte la contrôleure, pour qui "l'absence de suites données au signalement du SMPR constitue une atteinte grave à la préservation de l'intégrité physique de l?intéressé".
- Cellules à 14,6° -
"La situation est plus complexe", assure Christiane Taubira dans sa réponse, affirmant que le médecin aurait précisé au gradé que la demande de changement de cellule "ne revêtait pas un caractère d'urgence".
"La garde des Sceaux n'a visiblement pas pris la mesure" de cette affaire, a taclé Mme Hazan devant la presse.
Dans son rapport, la contrôleure souligne également l'absence d'amélioration, voire la dégradation, des conditions d'incarcération depuis une première visite effectuée en 2009. Parmi les dysfonctionnements constatés figurent l'eau des douches glaciale, des matelas dévorés par les moisissures ou encore le froid dans les cellules mesuré à 14,6° au quartier disciplinaire.
"L'ensemble des douches a été rénové à l'exception d'un bloc", répond Mme Taubira, pour qui la production d'eau chaude peut avoir eu des défaillances car elle est calibrée pour 444 personnes alors que la maison d'arrêt comptait alors 720 détenus (758 aujourd'hui). Le problème de la température des cellules a été résolu affirme également la ministre, ce que conteste Mme Hazan. Enfin, selon la garde des Sceaux, "des demandes de changement de matelas" ont été effectuées.
Autre point de discorde, la présence de caméras de surveillance dans des locaux où se déroulent les activités médicales du service psychiatrie. Opposés à ces caméras, des infirmiers ont obstrué leur objectif et se sont vu en conséquence retirer leur habilitation pénitentiaire.
"L'usage de moyens de vidéosurveillance dans un espace de soin constitue une atteinte grave au secret médical et à l'indépendance des soignants", écrit la contrôleure qui réclame le retrait des caméras.
"La décision d'installer des caméras dans ces locaux a été prise en concertation et avec l'accord tant du médecin chef du SMPR que de la direction de l'hôpital de rattachement", affirme Christiane Taubira dans sa réponse.
Il s'agit "d'une décision unilatérale de l'autorité pénitentiaire et le SMPR n'a pu s'y opposer", justifie à l'inverse la ministre de la Santé, Marisol Touraine.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.