Une association a publié une vidéo montrant des violences policières sur des migrants à Calais (Pas-de-Calais), relançant une polémique et entraînant l'annonce mardi d'une enquête de l'Inspection générale de la Police nationale (IGPN).
Près de quatre mois après un rapport de l'ONG Human Rights Watch, cette vidéo de deux minutes de l'association Calais migrants solidarity (CMS), filmée de loin, semble-t-il sur la voie d'accès au port, montre en de courtes séquences diverses interventions de policiers faisant sortir les migrants cachés dans des camions en partance pour l'Angleterre.
Selon les cas, on y voit des policiers les poussant par-dessus la glissière de sécurité, assenant un coup de pied, faisant usage de gaz lacrymogène ou les plaquant au sol avec le genou.
La Direction générale de la Police nationale (DGPN) a annoncé mardi que son directeur "a saisi dès lundi l'IGPN". "Les circonstances précises de cette intervention seront examinées rapidement, () tout manquement avéré aux règles déontologiques sera sanctionné", a indiqué la DGPN dans un communiqué.
Le procureur de Boulogne-sur-Mer, Jean-Pierre Valensi, a indiqué à l'AFP avoir lui aussi saisi l'IGPN, et statuera à partir de l'enquête de celle-ci, pour ces faits "qui sont susceptibles d'une qualification pénale s'ils étaient démontrés", potentiellement des "violences par agent de la force publique".
Le défenseur des droits a également indiqué s'être auto-saisi d'une enquête concernant cette vidéo, indépendamment de l'enquête de l'IGPN.
Dans un communiqué, SOS Racisme s'est dit pour sa part "scandalisé" par ces images, demandant "au Ministre de l?Intérieur de mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour que cessent ces exactions iniques".
L'association CMS affirme avoir tourné la vidéo le 5 mai, soit le lendemain de la dernière visite du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve à Calais. Les extraits de la vidéo sont entrecoupés de plusieurs déclarations de M. Cazeneuve, comme "Calais est pour moi le laboratoire de ce que la République peut produire de meilleur" ou encore "notre action porte ses fruits".
"L'idée est de mettre en parallèle les propos d'un discours politique et les faits réels qui se déroulent sur le terrain", a déclaré à l'AFP Léo, bénévole d'une permanence d'alerte des violences contre les migrants, que CMS a désigné comme porte-parole.
"On voit bien ce qu'ont retenu ses hommes sur le terrain le lendemain matin à 08H00, qui se permettent de faire ça parce qu'ils se sentent protégés", a estimé le militant.
- "Autoroutes polluées par les passeurs" -
"Il s'agit de bribes d'images", a estimé Ludovic Hochart, délégué pour la Côté d'Opale du syndicat Unsa-Police. "Il faudrait passer le film en entier" pour savoir si les policiers répondent à une agression, selon le syndicaliste. En revanche, "si ce sont des violences gratuites, il faut que ce soit sanctionné", a reconnu M. Hochart.
Le syndicaliste dénonce les conditions de travail de la profession: "Il faut qu'on ait des armes juridiques qui nous permettent d'interpeller ces individus, là c'est le jeu du chat et de la souris : quand on les enlève d'un camion, les migrants montent dans celui de derrière, et c'est quotidiennement".
"Je suis d'accord que les policiers sont dans une situation impossible comme tous les acteurs, mais est-ce que cette situation justifie ces actes violents", a interrogé Nan Suel, de l'association Terre d'errance. "Les exilés, le premier mot de français qu'ils apprennent c'est +dégage+", a-t-elle regretté.
La préfecture du Pas-de-Calais a indiqué mardi que plus de 300 migrants, contre 150 maximum habituellement, se sont postés au cours des derniers jours sur les accès routiers menant au tunnel sous la Manche.
La section régionale de la fédération des transporteurs routiers, qui tenait une conférence de presse en fin d'après-midi mardi à Calais, s'est dite "confrontée à une succession de pannes dans le tunnel qui ont entraîné l'invasion des autoroutes et des rocades par ces centaines de migrants qui veulent s'introduire par effraction dans nos camions".
"Les aires d'autoroute sont polluées par les passeurs", s'est insurgé le président de la section régionale, David Sagnard, qui a rappelé que les chauffeurs et les transporteurs s'exposaient à des amendes de 2.000 euros chacun par migrant convoyé en cas de contrôle britannique.
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