François Hollande a donné dimanche un caractère international à la journée de commémoration de la traite et de l'abolition de l'esclavage en inaugurant, en Guadeloupe, avec une trentaine de dirigeants africains et caribéens, le plus grand centre au monde de mémoire sur la traite et l'esclavage.
Accueilli au son des tambours et des conques, avec lesquels communiquaient les esclaves, le président français a inauguré le Mémorial ACTe, situé à l'entrée de la baie de Pointe-à-Pitre. Le centre ne sera toutefois réellement ouvert au public que le 7 juillet.
"Les ?uvres exposées, les faits restitués, les personnages rappelés et surtout le souvenir des femmes, hommes, enfants victimes de la traite nous font obligation de ne rien oublier et de lutter encore aujourd'hui pour la dignité humaine", a écrit M. Hollande dans le livre d'or, faisant part de son "émotion".
"Il arrive par moment que le monde soit un seul lieu, aujourd'hui c'est ici", a inscrit la ministre de la Justice Christiane Taubira.
Après une courte visite -il avait déjà été samedi soir admirer les illuminations de ce bâtiment de granit noir coiffé d'un treillage métallique, nouveau phare culturel de la Guadeloupe-, le président devait s'exprimer devant les chefs d?État du Sénégal, du Mali, du Bénin, d'Haïti et des représentants de toute la Caraïbe, qu'il a accueilli chaleureusement un à un.
"Ce monument, sur ces côtes qui ont accueilli tant de navires de la traite négrière, nous impose un devoir de mémoire indispensable pour comprendre le présent et construire l'avenir", a estimé Michaëlle Jean, secrétaire générale de l?Organisation internationale de la Francophonie (OIF), citant Aimé Césaire: "L'avenir n'est rien si on ne se souvient pas."
Pour Lilian Thuram, présent à la cérémonie, "c'est un jour très fort: 167 ans après l'abolition de l'esclavage il y a enfin un lieu en France où discuter du discours qu'a produit l'esclavage niant l'humanité de gens en fonction de leur couleur de peau". "Cela doit nous amener à réfléchir aux discours qui enlèvent l'humanité aujourd'hui", a dit l'ancien footballeur international, citant "les immigrés, les sans-papier".
- 'Travail de mémoire' -
Les comédiens sénégalais Aliou Sissé et français d'origine guadeloupéenne Jacques Martial (aussi président de la Villette) ont lu des textes des poètes et penseurs antillais Aimé Césaire, Édouard Glissant et Louis Delgrès.
Ce dernier, héros de la résistance à la réintroduction de l'esclavage en Guadeloupe en 1802, est resté célèbre pour s'être fait sauter à l'explosif avec ses camarades de lutte plutôt que de se rendre aux troupes napoléoniennes.
Le syndicaliste guadeloupéen Elie Domota, qui a boycotté la cérémonie dimanche, s'est livré pour sa part sur des radios à un réquisitoire contre François Hollande, lui reprochant de refuser des réparations pour l'esclavage et de n'avoir pas amélioré une "situation très grave" sur le plan social, dans un département frappé par un chômage à 25%. "Le climat dans lequel se passe cette inauguration pour nous est nauséabond."
En revanche, le Cran (Conseil représentatif des associations noires) a jugé que le Mémorial ACTe était "à la hauteur des enjeux" et s'inscrivait dans une évolution "qui doit permettre à notre pays d'assumer son passé et de s'engager dans des réparations uniquement collectives".
L'inauguration devait être retransmise en direct dans la soirée au jardin du Luxembourg à Paris, où se tenait la traditionnelle cérémonie du 10 mai, présidée par le Premier ministre Manuel Valls.
Dans l'Hexagone, quelque 200 personnes ont participé à une cérémonie à Villers-Cotterêts (Aisne), ville où mourut le général Dumas, né esclave à Saint-Domingue, et où a été élu un maire Front national en 2014. Celui-ci, Franck Briffaut -dont l'élection pourrait être invalidée lundi par le Conseil d?État- n'a pas participé à la cérémonie, pour la deuxième année consécutive.
A Nantes, premier port négrier français, la commémoration devait être célébrée en présence d'Angela Davis, figure du mouvement noir américain et de la lutte pour les droits civiques dans les années 70. La médaille de la ville lui sera remise sur le parvis du Mémorial de l'abolition de l'esclavage érigé en 2011 sur les bords de la Loire, au c?ur de la ville, d'où partaient les expéditions négrières.
A Brest, une sculpture de dix mètres de haut baptisée "Mémoires" a été inaugurée sur le port à l'initiative de l'association finistérienne Mémoires des esclavages.
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