La Russie a fait étalage samedi de sa puissance lors de la plus grande parade militaire organisée sur la place Rouge depuis la chute de l'Union soviétique, Vladimir Poutine louant la "contribution" des Alliés dans la victoire contre l'Allemagne nazie il y a soixante-dix ans.
Snobé par les Occidentaux qui lui reprochent son soutien aux séparatistes prorusses en Ukraine, le président russe peut toutefois se targuer d'avoir accueilli les dirigeants de puissances émergentes comme les présidents chinois Xi Jinping et indien Pranab Mukherjee, ainsi que le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, pour une parade qui a fait la part belle aux nouveaux armements russes : le char Armata T-14 présenté comme le plus puissant du monde par son constructeur ou des missiles balistiques intercontinentaux de près de 50 tonnes.
"Il faut rappeler que c'est l'Armée rouge qui, au terme d'un assaut dévastateur sur Berlin, a mis un point final à la guerre contre l'Allemagne hitlérienne", a déclaré M. Poutine lors d'un discours sur la place Rouge, en prélude à la parade militaire à laquelle ont participé 16.000 soldats russes, ainsi que des troupes serbes, indiennes et chinois.
"L'Union soviétique a pris part aux batailles les plus sanglantes. Ici, les nazis ont concentré leur puissance militaire", a ajouté Vladimir Poutine, en référence aux 27 millions de Soviétiques tués pendant la guerre, selon les chiffres officiels.
"Je remercie les peuples de Grande-Bretagne, de France et des Etats-Unis pour leur contribution à la victoire. Je remercie les différents pays antifascistes qui ont pris part aux combats contre les nazis dans les rangs de la résistance et dans la clandestinité", a par ailleurs déclaré Vladimir Poutine, avant une minute de silence en mémoire des victimes de la guerre, une première dans l'histoire des cérémonies du 9 mai en Russie.
Le président russe s'est ainsi montré plutôt apaisant, faisant un geste en direction des Occidentaux et se gardant d'évoquer la menace "fasciste" ukrainienne comme l'a fait régulièrement le Kremlin ces derniers mois.
"Soixante-dix ans plus tard, l'Histoire nous appelle à être à nouveau vigilants", a simplement précisé M. Poutine, rappelant que les croyances en "une supériorité raciale avaient entraîné une guerre sanglante".
Plus tard, au cours d'une réception avec les dirigeants mondiaux présents à Moscou, il a ajouté que "l'esprit d'alliance qui s'est forgé au cours de la Seconde Guerre mondiale devait servir aujourd'hui d'exemple".
- Liesse populaire -
Hors Russie, l'est séparatiste prorusse de l'Ukraine a aussi connu sa parade militaire alors qu'à Kiev, les autorités pro-occidentales organisaient une "Marche pour la paix". Près de 1.500 combattants séparatistes ont ainsi défilé dans leur fief de Donetsk, exhibant notamment les véhicules blindés et les systèmes anti-aériens qu'ils utilisent contre l'armée ukrainienne dans un conflit qui en un peu plus d'un an a fait 6.200 morts.
Pendant ce temps, dans le centre de Moscou, une foule de vétérans, de touristes et de Moscovites se pressait le long du tracé emprunté par les véhicules blindés.
"Ça me donne le tournis de penser à tout le sang que nous avons versé pour accrocher ce drapeau sur le Reichstag. Gloire éternelle aux défenseurs de la Patrie!", lançait Viatcheslav Ostrovski, un quadragénaire vêtu d'un uniforme d'officier de l'époque en se prenant en photo avec sa fille devant un blindé d'époque.
"Les Européens ne sont pas venus, c'est dommage. Je comprends nos différends, mais ils auraient pu oublier ça au moins le temps d'une journée et venir célébrer avec nous la destruction du fascisme", regrettait pour sa part Elena Iliouchina, une touriste venue de Novossibirsk, en Sibérie.
En début d'après-midi, plus de 160.000 personnes se pressaient déjà dans le centre de la capitale russe pour former un gigantesque cortège où chaque participant porte une photo de son père ou grand-père, ancien combattant.
- Réhabilitation rampante de Staline -
Dans un pays qui a élevé la victoire de 1945 au rang de mythe fondateur du patriotisme et de la grandeur russe, Moscou et les grandes villes de Russie vivent à l'heure de la "Grande Guerre Patriotique". Des millions de rubans de Saint-Georges aux rayures orange et noires, symbole du nouveau patriotisme prôné par le Kremlin, sont arborés du sommet de l'Etat aux administrations, guichetières de métro ou simples citoyens.
Et à la faveur de cette ferveur populaire encouragée par le pouvoir, la moustache de Staline fait un retour remarqué. Responsable de la mort de millions de Soviétiques, l'ancien dictateur fait l'objet d'une réhabilitation rampante presque 60 ans après la vague de déstalinisation qui avait mis fin au culte de sa personnalité trois ans après sa mort en 1953. Des affiches représentant le "Généralissime" Staline, vainqueur de l'Allemagne nazie, ainsi que des bustes ont ainsi refait leur apparition dans plusieurs villes de Russie ces derniers jours.
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