Ils défileront samedi au coeur de Paris, peut-être en fumant un joint: comme chaque année, les partisans d'une dépénalisation de l'usage de cannabis, voire d'une légalisation, se rassembleront pour la Marche mondiale du cannabis dans l'espoir d'une nouvelle politique des drogues.
Après des rassemblements le week-end dernier dans plusieurs villes de France (Marseille, Toulouse, Lyon, Bayonne, Poitiers) et à l'étranger, une nouvelle marche est programmée samedi entre Bastille et République, à l'appel d'associations d'usagers.
Parmi les revendications récurrentes, la dépénalisation de la consommation, de la possession et de l'auto-production de cannabis pour usage personnel, mais aussi la défense du cannabis à usage thérapeutique, explique Farid Ghéhiouèche, fondateur de Cannabis sans frontières.
En France, le cannabis est prohibé depuis 1970, avec au maximum un an de prison et 3.750 euros d'amende. Dans la pratique, si l'emprisonnement pour usage est exceptionnel, les amendes perdurent, "une pression" qui pèse sur les usagers, souligne M. Ghéhiouèche.
Défendant l'idée d'une "filière éthique et solidaire pour encadrer la production et la distribution", il prône le développement des Cannabis Social Clubs, ces groupements de personnes qui en produisent pour leur consommation personnelle, légalisés en Uruguay par exemple. En France, des tentatives pour officialiser ces clubs ont été interdites par la justice en 2013.
Il regrette que le Sénat ait rejeté, en avril, une proposition de loi de la sénatrice écologiste Esther Benbassa visant à autoriser l'usage et la vente contrôlée par l'Etat tout en interdisant la publicité et la vente aux mineurs.
"Il faut que les politiques bougent, il y a urgence", dit M. Ghéhiouèche, évoquant des questions de sécurité liées aux trafics de drogue et des problèmes de santé publique, liées à la forte proportion de jeunes consommateurs de cannabis en France.
Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, sa consommation est repartie à la hausse chez les jeunes de 17 ans: près d'un sur deux l'a déjà expérimenté en 2014 et près d'un sur dix en fume régulièrement.
- "Modèle du Colorado" -
Une hausse à mettre en parallèle avec le net développement de la production locale d'herbe, qui vient concurrencer la résine marocaine. Des produits rendus encore plus attractifs par l'augmentation des taux de THC, le principe actif du cannabis, mettent en garde les professionnels de santé.
Réclamant des "politiques de prévention plus impactantes vis-à-vis des jeunes", via des "outils pédagogiques qui percutent" sur les effets du cannabis et les pratiques réduisant les risques, M. Ghéhiouèche défend "une consommation responsable et maîtrisée".
A la faveur de la légalisation de la consommation dans plusieurs Etats américains (Colorado, New-York), "on espère que cela pourra faire changer les choses. Si le pays à l'origine de la +guerre à la drogue+ bouge, cela montre que la prohibition a fait son temps", estime Jean-Pierre Galland, du Collectif d'information et de recherche cannabique, qui organise en juin son traditionnel "appel du 18 joint".
Avec un recul d'un an sur l'expérience du Colorado, "tout porte à croire que ce modèle fonctionne, avec une baisse de la criminalité globale, des conséquences positives sur la santé et une manne financière pour l'Etat, réinvestie dans les programmes de prévention", note Géraldine Guilpain, présidente des Jeunes radicaux de gauche, qui participera au rassemblement, même si elle n'est pas pour la "dépénalisation".
"La question de la légalisation, à moyen terme, redevient raisonnablement envisageable en France", estime Fabrice Olivet, de l'association de consommateurs Asud, mais "les socialistes ne seront jamais ceux qui vont permettre cette réforme, par peur d'être taxés de laxistes".
François Hollande et Manuel Valls, qui avait reconnu en janvier 2014 avoir "peut-être fumé une fois" du cannabis, se sont toujours prononcés pour son interdiction.
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