Au moment de placer une poignée de riz et une pièce sur le buste d'un enfant mort dans le séisme au Népal, Khadga Adhikari, un vétéran des crémations, a eu le coeur submergé de tristesse.
"Je ne me souviens pas beaucoup des personnes que j'ai incinérées", dit Adhikari, qui a passé 30 ans à préparer des bûchers funéraires. "Mais quand vous prenez le corps d'un enfant, cela fait mal. Ce n'est pas un âge pour mourir".
Depuis le séisme dévastateur d'une magnitude de 7,8 le 25 avril, Adhikari et ses collègues tentent de faire face au flot de corps récupérés sous les gravats et la boue.
La charge a été tellement lourde qu'ils ont craint un moment de manquer de bois pour brûler les victimes qui, selon la tradition hindoue, sont enveloppées de blanc et placées sur le bûcher.
Lors d'un rare moment de repos, Adhikari, 55 ans, raconte à l'AFP qu'en dépit d'une vie passée à s'occuper de morts, il est sorti très éprouvé d'une telle catastrophe.
La nuit suivant le séisme, il a dû incinérer trois enfants et en particulier un garçon de six ans dont la famille a pleuré tout au long de la cérémonie dans le célèbre temple de Pashupatinath à Katmandou.
Les bûchers funéraires sont traditionnellement allumés par le fils aîné du défunt, aussi la vue de parents assistant à la crémation de leurs enfants est particulièrement douloureuse.
Adhikari frémit au souvenir du petit corps du garçon qu'il a emmailloté dans un linceul avant de placer rituellement du riz et une pièce au dessus. "La mort de personnes âgées est dans l'ordre des choses. Mais quand un enfant meurt dans une catastrophe, j'éprouve une forte douleur", dit-il.
Avant le lever du jour au lendemain du séisme, il avait déjà brûlé les corps de deux autres enfants et de plusieurs adultes, balayant les cendres et peinant à nettoyer toutes les plateformes funéraires entre chaque crémation.
"Ce fut la nuit la plus difficile" de sa vie, dit-il.
Les bûchers alignés le long de la rivière Bagmati à Katmandou ont transformé le complexe de crémation en plein air du temple de Pashupatinath en un sauna virtuel, la chaleur et la déshydratation étourdissant Adhukari.
"Tout le monde était si triste et je me souviens m'être senti très faible, comme si mon énergie se consumait dans chaque bûcher", dit-il. "Mais il fallait brûler les corps. Où les mettre sinon?"
- De la glace sur les corps -
Adhikari est l'un des 27 employés chargé des rites funéraires du temple, un site classé au Patrimoine mondial de l'Unesco. L'ampleur du désastre se précisant, le gouvernement a donné le bois à brûler aux proches de chaque victime, un service habituellement facturé 2.000 roupies (20 USD).
Des dizaines de victimes non identifiées ont été incinérées lors de crémations de masse au temple et dans les villages du pays, dont les morgues ont peiné à faire face à l'afflux de corps.
A l' hôpital Tribhuvan University Teaching Hospital, de la glace a été placée au-dessus des corps.
"La capacité de stockage de 20 corps de notre morgue n'est pas suffisante même un jour normal. Aussi quand survient une telle catastrophe, la pression est écrasante", dit Pramod Shrestha, qui dirige l'unité de médecine légale.
"Nous utilisons de la glace, parfois nous tassons les corps dans les réfrigérateurs, c'est un travail non-stop. Nous avons encore 37 corps qui n'ont pas été demandés", dit Shrestha à l'AFP.
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