Les Européens, qui ont promis de s'attaquer aux trafiquants de migrants en Méditerranée, espèrent intensifier leur traque et arraisonner des embarcations dès le mois de juin, mais sans aller dans l'immédiat jusqu'à des destructions de bateaux sur les côtes libyennes.
Les premiers contours de cette mission militaire destinée à "casser le +business model+" des trafiquants, selon un diplomate, ont été ébauchés cette semaine à Bruxelles. Elle doit être présentée lundi par la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, au Conseil de sécurité des Nations unies.
L'UE, qui avait envisagé de "capturer et détruire les embarcations avant qu'elles ne soient utilisées" par les passeurs en Libye, se heurte au droit international, qui lui interdit de se rendre dans les eaux territoriales libyennes ou d'arrêter un navire battant pavillon, sans mandat international.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a rejeté toute "solution militaire". Et même au sein des 28, les réserves sont nombreuses sur des frappes aériennes ou des opérations commando dans les ports libyens, susceptibles de faire des victimes parmi les civils et de mettre en péril les délicates négociations pour la formation d'un gouvernement d'unité nationale.
Mais les Européens, réunis en urgence fin avril après un naufrage qui avait fait quelque 750 morts, sont sous pression, car les tragédies se succèdent en Méditerranée: les gardes-côtes italiens ont encore secouru 6.000 personnes le week-end dernier, et des survivants ont raconté mardi qu'une quarantaine de migrants se sont noyés lorsque leur canot pneumatique a sombré.
L'UE envisage donc une approche graduelle, en commençant par le plus simple, la mise en commun systématique des renseignements sur les trafiquants, selon des sources européennes.
"Il faut faire plus pour tracer les réseaux: quels sont les noms des personnes, qui parle à qui, a-t-on des photos?", explique un diplomate, selon lequel une surveillance aérienne et par radar viendrait compléter les écoutes téléphoniques et les renseignements collectés au quotidien par les navires qui croisent actuellement en Méditerranée, notamment au sein de la mission européenne Triton.
- Un QG en Italie -
Il s'agit notamment de repérer les bateaux utilisés par les passeurs pour tracter jusqu'en haute mer les embarcations de fortune ensuite laissées à la dérive, avec pour instruction donnée aux occupants d'appeler les gardes-côtes pour signaler leur présence, ce qui revient pour les trafiquants à sous-traiter leur sauvetage puis leur transfert en Europe aux autorités italiennes.
Les Européens estiment pouvoir agir sans mandat des Nations unies contre les navires qui ne battent aucun pavillon, bien moins protégés en droit de la mer. S'ils obtiennent une résolution de l'ONU, ils pourront ensuite s'attaquer aux bateaux qui affichent un pavillon.
Il ne sera cependant pas question de détruire les bateaux. La Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, s'y oppose fermement. "Nous ne pouvons soutenir quelque chose qui irait aussi loin que détruire des navires sans décision judiciaire ou accord de l'Etat dont la navire bat pavillon, cela violerait le droit international", prévient son ambassadeur auprès de l'UE, Vladimir Chizhov.
"Les détruire, ce serait aller trop loin, les arrêter est autre chose", ajoute-t-il, semblant ouvrir la voie à une résolution dans ce sens.
Les plus optimistes estiment que les ministres européens des Affaires étrangères et de la Défense pourraient donner leur feu vert au principe d'une mission de ce type lors d'une réunion conjointe prévue le 18 mai. "L'idée est de lancer quelque chose en juin", assure le diplomate. "Les Italiens sont prêts à fournir un QG et un commandant à l'opération".
Mais d'autres, notamment à l'est de l'Europe, se montrent sceptiques. "Je ne pense pas qu'il sera facile de boucler tout cela d'ici le sommet européen" des 25 et 26 juin, a indiqué un diplomate de la région, en soulignant qu'il faudrait d'ici là trancher une question qui fâche souvent à Bruxelles, celle du financement.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.