La police turque est intervenue vendredi à Istanbul, comme les années précédentes, pour disperser des manifestants qui souhaitaient célébrer le 1er mai sur l'emblématique place Taksim, décrétée zone interdite par le gouvernement islamo-conservateur.
En début d'après-midi, les forces de l'ordre ont utilisé des canons à eau et du gaz lacrymogène pour repousser un millier de personnes rassemblées dans le district de Besiktas, à quelques kilomètres à peine de Taksim, pour dénoncer l'interdiction des autorités.
Des échauffourées ont ensuite brièvement opposé dans le quartier la police à des petits groupes de militants d'extrême gauche, a constaté un journaliste de l'AFP.
D'autres incidents isolés ont été signalés autour de la place Taksim, dont tous les accès avaient été méthodiquement fermés par quelque 20.000 policiers.
Selon un nouveau bilan communiqué à la presse par le chef de la police stambouliote, Selami Altinok, ces incidents se sont soldés par 203 arrestations et 24 blessés, dont 6 policiers. M. Altinok a précisé que l'essentiel des restrictions à la circulation autour de la place Taksim avaient été levés en fin d'après-midi.
Le représentant de Reporters sans frontières (RSF) en Turquie, Erol Önderoglu, a précisé que 5 journalistes avaient été arrêtés et un autre blessé vendredi à Istanbul.
Comme ces deux dernières années, le gouverneur d'Istanbul a interdit toute manifestation syndicale sur la place Taksim, la jugeant "pas adaptée aux célébrations du 1er mai".
Depuis deux ans, le président Recep Tayyip Erdogan interdit systématiquement les rassemblements de masse sur Taksim, qui fut le c?ur en juin 2013 d'une vague de manifestations sans précédent ayant visé à dénoncer la dérive islamiste et autoritaire de son régime.
"J'estime que cette insistance sur Taksim est une erreur et cache un objectif", a déploré M. Erdogan dans un discours prononcé à Ankara. "Nous ne tolérerons pas le vandalisme. On ne doit pas s'attaquer à ce qui nous nourrit, cela signifie trahir l'avenir du pays", a-t-il poursuivi.
- "Symbolique" -
Les syndicats réclament chaque année de pouvoir accéder à la place Taksim en mémoire des victimes du 1er mai 1977. Ce jour-là, des inconnus avaient ouvert le feu sur la place, provoquant la panique dans la foule et la mort de 34 personnes.
Réunis à l'appel de plusieurs syndicats et partis politiques d'opposition, des centaines de personnes se sont rassemblées vendredi matin dans le district de Besiktas pour fustiger les mesures d'interdiction du gouvernement.
"La place Taksim est la place du 1er mai !", "Coude-à-coude contre le fascisme !" ou "Erdogan, voleur, assassin !", ont-ils scandé pendant plusieurs heures face aux forces de l'ordre.
"En 1977, il y a eu un massacre. Nous souhaitons tout simplement être là-bas pour marquer cette date, on ne peut pas accepter de la fêter autrement, c'est trop symbolique pour nous", a déclaré jeudi à l'AFP Umar Karatepe, un dirigeant de la Confédération des syndicats des travailleurs révolutionnaires (Disk).
"Le président de la République () cet homme qui s'arroge tous les droits, ne peut pas nous dire où nous devons fêter le 1er mai, c'est inacceptable", a poursuivi M. Karatepe.
Le 1er mai 2014 déjà, de violents incidents avaient opposé manifestants et forces de l'ordre autour de Taksim.
Jeudi, le Premier ministre, Ahmet Davutoglu, a mis en garde les manifestants contre toute violence, dénonçant "ceux qui veulent plonger ce pays dans le chaos".
Le Parlement turc a voté le mois dernier une loi de "sécurité intérieure" qui a renforcé les pouvoirs de la police contre les manifestants. L'opposition et de nombreuses ONG de défense des droits de l'Homme l'ont qualifiée de "liberticide".
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