Le scandale des écoutes auxquelles se serait livré le renseignement allemand pour le compte des Etats-Unis semblait jeudi se rapprocher encore de la chancellerie, mais Angela Merkel devrait une fois de plus passer entre les gouttes, selon les analystes.
"L'affaire du BND (Bundesnachrichtendienst, renseignement allemand) monte en puissance et atteint la chancellerie", titrait le quotidien conservateur Die Welt, peu suspect de parti pris contre Mme Merkel et qui faisait sa Une sur le sujet comme la plupart de ses confrères.
Le tabloïd Bild, un autre ami de la chancelière, qualifiait d'"hypocrite" la déclaration de Mme Merkel en 2014, après les révélations sur l'espionnage présumé d'un de ses téléphones portables par l'agence américaine de renseignement NSA: "Espionner ses amis, cela ne se fait pas".
"Dans le meilleur des cas, la chancellerie ne voulait pas savoir ce que la NSA fabriquait sur le sol allemand - en l'occurrence espionner nos 'amis' en Europe", écrivait le quotidien le plus lu d'Allemagne.
Les accusations contre le BND ont en effet pris une nouvelle ampleur jeudi, le quotidien Süddeutsche Zeitung assurant que ces services ont espionné de "hauts fonctionnaires du ministère français des Affaires étrangères, du Palais de l'Elysée (siège de la Présidence de la république, ndlr) et de la Commission européenne".
"Je ne sais pas ce qui s'est passé. Ceci devra être réglé par les autorités allemandes, y compris parlementaires, et nous verrons", a commenté jeudi à Bruxelles le président de la Commission Jean-Claude Juncker, tandis que Paris se bornait à indiquer être "en contact étroit avec (ses) partenaires allemands sur ce sujet".
Mais plus que ces nouvelles accusations, qui s'ajoutent à l'espionnage présumé depuis 2005 visant EADS (devenu Airbus) et Eurocopter (aujourd'hui Airbus Helicopters) par le BND pour la NSA, ce sont les éventuels mensonges du gouvernement aux députés qui enflammaient la presse.
"Qui dissimule quoi dans le scandale du BND?", demandait Bild, et Mme Merkel était la première de sa liste. "Hier, elle est encore restée muette".
Le gouvernement est accusé par l'opposition d'avoir menti en déclarant le 14 avril ne rien savoir d'un quelconque espionnage économique par la NSA.
"Je récuse catégoriquement l'affirmation consistant à dire que le gouvernement n'a pas dit la vérité", a répliqué mercredi Steffen Seibert, porte-parole de Mme Merkel.
L'un des proches de la chancelière, Thomas de Maizière, actuel ministre de l'Intérieur, était à l'époque ministre à la Chancellerie, tutelle des services de renseignement. Il a offert de s'expliquer la semaine prochaine devant la commission d'enquête parlementaire sur la NSA, sans convaincre.
"Le cas de Maizière devrait être en tête de liste des priorités de la chancelière. Sinon, l'affaire va automatiquement se rapprocher encore d'elle", écrivait le quotidien économique Handelsblatt.
- favorite des sondages -
Et pourtant, si certains analystes envisageaient des conséquences pour l'avenir de M. de Maizière, la chef du gouvernement apparaissait intouchable.
"Mme Merkel n'est menacée que si l'état-major de la CDU (Union chrétienne-démocrate, le parti conservateur qu'elle préside, ndlr) a le sentiment qu'elle pourrait ne pas gagner en 2017, ce qui n'est pas le cas actuellement", tranchait Gero Neugebauer, politologue à la Freie Universtität de Berlin.
Il est généralement admis que Mme Merkel se représentera en 2017 pour un quatrième mandat, et en l'état actuel des sondages elle serait réélue haut la main.
Pour décrire le lien entre M. de Maizière et Mme Merkel, M. Neugebauer évoque "une loyauté absolue".
Des responsables politiques parfois proches de la chancelière ont déjà été contraints à la démission pour avoir menti, comme son amie Annette Schavan alors ministre de l'Education. Mais "ce serait avant tout un problème pour de Maizière", analysait Oskar Niedermeyer, un autre politologue de la FU.
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