Le bras de fer entre Renault et l?État devrait connaître son épilogue jeudi avec un vote de l'assemblée générale des actionnaires sur l'application ou non d'une loi anti-spéculation, voulue par le gouvernement mais rejetée par la direction du groupe automobile.
Les détenteurs d'actions de Renault sont convoqués à 15h15 (13H15 GMT) à Paris, pour l'assemblée générale (AG) annuelle. Cet événement rituel dans la vie d'une entreprise prend cette année un tour particulier chez Renault, vu l'épreuve de force qui oppose depuis près d'un mois le gouvernement socialiste et le PDG de la firme au losange, Carlos Ghosn.
A l'origine de ce contentieux: la "loi Florange" de mars 2014, qui prévoit que tout actionnaire, y compris l?État, se voit automatiquement attribuer un droit de vote double à l'issue d'une période de deux ans de détention continue des titres.
Seule l'assemblée générale peut empêcher l'application de ces dispositions, via un vote d'une résolution à la majorité des deux tiers.
Or, une telle résolution a été introduite par Renault dans l'ordre du jour de jeudi, plus précisément la 12e. Elle stipule que Renault appliquera dans ses futures assemblées générales le principe "une action, une voix".
Dans l'esprit du gouvernement, la loi Florange est censée lutter contre la spéculation et favoriser une stabilité de l'actionnariat.
Dans le cas de Renault, le gouvernement a sorti une botte secrète pour repousser la 12e résolution: faire monter sa part du capital de 15 à 19,74%, via un rachat d'actions pour un montant situé entre entre 814 et 1.232 millions d'euros.
L?État aborde du coup l'AG de jeudi fort de 23,2% des droits de vote exerçables. Vu l'éclatement de l'actionnariat et l'abstention habituellement observée (quelque 35% en 2014), l?État semble assuré d'une minorité de blocage d'un tiers des votes exprimés.
Cette man?uvre aurait été fort peu appréciée par M. Ghosn, qui a convoqué en urgence le conseil d'administration de Renault le 16 avril. Celui-ci s'est séparé sur une déclaration de soutien à la 12e résolution, réclamant que "l'équilibre entre les deux principaux actionnaires de Renault soit maintenu lors de la prochaine assemblée générale ou restauré après celle-ci".
- Nationalisée à la Libération -
La situation est en effet compliquée par la présence d'un troisième acteur: Nissan. L'entreprise automobile japonaise, alliée de Renault depuis 1999 et elle aussi dirigée par M. Ghosn, contrôle 15% du capital de Renault, tandis que la firme française détient 43,4% de son partenaire nippon.
Au titre de règles sur "l'autocontrôle", les parts de Nissan ne lui confèrent pas de droit de vote à l'assemblée générale. Mais la société a tout de même dit soutenir "à l'unanimité" la position de Renault.
Les deux entreprises se sont toutefois gardé de lancer une riposte concrète.
Depuis le début de ces aller-retours, les membres du gouvernement ont défendu leur décision d'imposer la loi: "Quand on est un actionnaire de long terme, il est normal que l'on ne soit pas traité comme un actionnaire de court terme ou spéculatif", a ainsi affirmé lundi le ministre de l?Économie, Emmanuel Macron.
La question de la place de l?État chez Renault revêt une signification particulière. Nationalisée à la Libération, l'entreprise est devenue une société anonyme au début des années 1990.
"L?État français est aux côtés de Renault depuis 1945. Il a aidé cette entreprise quand elle était en crise financière, nous avons toujours accompagné la stratégie de cette entreprise, nous continuons à l'accompagner, l'alliance (avec Nissan) est un élément de cette stratégie", a assuré M. Macron.
Le gouvernement a promis qu'il revendrait les actions Renault nouvellement acquises dès l'assemblée générale passée. Mais si les votes doubles sont adoptés jeudi, l'influence de l?État sera renforcée au sein du constructeur, même avec 15% des parts.
De son côté, la CGT, deuxième syndicat chez Renault, a souhaité mercredi que le gouvernement s'engage plus fortement dans l'entreprise, et fasse en sorte que soit pris en compte "l'intérêt commun de l'entreprise, de ses salariés et plus globalement de l'économie du pays et de la filière automobile en France".
Le syndicat a par ailleurs mis en cause la stratégie financière de M. Ghosn qui a selon lui "largement fragilisé" l'entreprise.
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