L'exclusion permanente des homosexuels du don du sang en France en raison des risques du sida peut être justifiée, mais sous de strictes conditions, a décidé mercredi la justice européenne, ce qui pourrait obliger les autorités françaises à y renoncer.
"La législation française est susceptible de comporter à l'égard des personnes homosexuelles masculines une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle", a estimé la Cour de justice européenne.
En supposant que "l'exclusion prévue par la réglementation française contribue à réduire au minimum le risque de transmission d'une maladie infectieuse", le "principe de proportionnalité" avec cet objectif pourrait toutefois "ne pas être respecté", a-t-elle ajouté.
La Cour souligne que le VIH peut "être détecté par des techniques efficaces", comme la mise en quarantaine des poches de sang pendant une vingtaine de jours, durée entre la contamination et le moment où le virus peut être détecté dans le sang.
"Dans le cas où de telles techniques n'existeraient pas", la justice française, qui avait saisi la Cour, "devra vérifier s'il n'existe pas de méthodes moins contraignantes que l'exclusion permanente du don de sang () notamment si le questionnaire et l'entretien individuel avec un professionnel du secteur médical peuvent permettre d'identifier plus précisément les comportements sexuels à risque".
C'est précisément ce qu'a prévu le gouvernement français. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé le 12 avril que le questionnaire remis aux donneurs de sang allait être modifié prochainement pour permettre aux homosexuels de donner leur sang.
L'exclusion des homosexuels du don du sang est entrée en vigueur en 1983, peu après la découverte du virus du sida. Début avril, les députés ont voté un amendement réclamant la fin de cette interdiction. Mais il est dépourvu de portée pratique dans le mesure où le sujet relève d'un arrêté et non de la loi.
- Nouvelles recherches -
Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a estimé fin mars que l'interdiction devait être maintenue pour l'instant, dans l'attente d'une réflexion collective et de nouvelles recherches.
L'affaire sur laquelle la Cour de justice européenne s'est prononcée mercredi remonte à 2009. Un médecin de l'Établissement français du sang de Metz avait refusé le don de sang que souhaitait faire un homme. Ce dernier avait contesté la décision devant le tribunal administratif de Strasbourg, qui a demandé à la Cour de justice européenne si l'exclusion permanente était compatible avec le droit européen.
Dans son arrêt, la Cour a donné sa feuille de route au tribunal administratif. Il "devra prendre en compte la situation épidémiologique en France qui, selon le gouvernement français et la Commission, présenterait un caractère spécifique".
La Cour souligne que, "d?après les données qui lui ont été fournies, la quasi-totalité des contaminations par le VIH a été due, pour la période allant de l?année 2003 à l?année 2008, à un rapport sexuel, la moitié des nouvelles contaminations concernant des hommes qui ont eu des relations sexuelles avec des hommes".
Sur la même période, "ceux-ci représentaient la population la plus touchée par la contamination par le VIH, avec un taux 200 fois supérieur à celui de la population hétérosexuelle française".
Le tribunal de Strasbourg "devra vérifier si, à la lumière des connaissances médicales, scientifiques et épidémiologiques actuelles, ces données sont fiables et toujours pertinentes".
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.