L'Indonésie a défendu mercredi l'exécution de huit condamnés à la peine capitale dont sept étrangers, évoquant une "guerre" contre le trafic de drogue sur fond de vives critiques internationales, tandis que des témoins ont rapporté que les détenus étaient morts en chantant.
Deux Australiens, un Brésilien, quatre Africains et un Indonésien ont été fusillés peu après minuit (17H00 GMT mardi) au complexe pénitentiaire de l'île isolée de Nusakambangan, "l'Alcatraz indonésien", mais une jeune mère de famille philippine a obtenu un sursis au dernier moment.
Condamné à mort lui aussi pour trafic de drogue, le Français Serge Atlaoui, 51 ans, avait été retiré de la liste des exécutions la semaine dernière en raison d'un recours administratif en justice lui permettant d'obtenir un sursis fragile.
Pour protester contre l'exécution de ses deux ressortissants, l'Australie a annoncé le rappel de son ambassadeur, tandis que le président indonésien, Joko Widodo, a insisté sur "l'application de loi" contre le trafic de drogue passible de la peine capitale en Indonésie, comme dans d'autres pays d'Asie du Sud-Est.
Le Brésil a fait part de sa "profonde consternation" après l'exécution de son ressortissant pour lequel les autorités avaient demandé la clémence en indiquant qu'il était schizophrène.
Les huit hommes exécutés ont apparemment tous refusé d'avoir les yeux bandés comme ils en avaient la possibilités, et ont chanté des hymnes peu avant d'être fusillés par un peloton d'exécution dans une clairière au milieu de la jungle, selon un pasteur qui était présent.
- Scènes d'émotion -
A l'approche de minuit, des partisans en larmes ont aussi chanté des hymnes et tenu des bougies en l'air au cours d'une veillée à Cilacap, ville portuaire face à l'île de Nusakambangan.
Après les exécutions, des membres de familles de condamnés ont éclaté en sanglots, soutenus par des proches et amis, a constaté un journaliste de l'AFP.
Contre toute attente, la Philippne Mary Jane Veloso a été épargnée du peloton d'exécution au dernier moment, après qu'une personne soupçonnée de l'avoir recrutée pour transporter de la drogue en Indonésie s'est rendue aux autorités aux Philippines.
Cette décision a été accueillie comme un miracle et un cadeau de Dieu aux Philippines, mais le procureur général d'Indonésie a d'ores et déjà prévenu qu'il s'agissait seulement d'un "report" pour permettre des investigations.
"Nous menons une guerre contre les horribles crimes liés à la drogue qui menacent la survie de notre nation", a déclaré Muhammad Prasetyo.
Il a minimisé la décision de l'Australie de rappeler son ambassadeur, estimant qu'il s'agissait d'une "décision temporaire", tandis que la ministre indonésienne des Affaires étrangères, Retno Marsudi, a insisté sur sa volonté de "continuer à avoir de bonnes relations" avec ce pays qui est l'un de ses principaux partenaires commerciaux.
De son côté, la France a réagi en rappelant "son opposition à la peine de mort, en tous lieux et en toutes circonstances" et s'est dit "solidaire avec les pays des ressortissants" étrangers exécutés. "Les autorités françaises demeurent totalement mobilisées en faveur de Serge Atlaoui, dont la situation reste très préoccupante", a ajouté le porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
- "Oui, oui, maman vivra" -
Les Philippines réagissaient avec joie au sursis accordé à leur ressortissante Mary Jane Veloso, au terme d'une intense campagne de soutien et d'appels à la clémence, en particulier du président philippin et du champion de boxe Manny Pacquiao, star dans son pays et très populaire en Indonésie.
"Les miracles se réalisent vraiment", a déclaré la mère de la condamnée, Célia, à une radio philippine, ajoutant que les deux garçons de sa fille étaient restés éveillés et chantaient 'oui, oui, maman vivra'".
Le président philippin, Benigno Aquino, a indiqué que tout le pays était reconnaissant vis-à-vis de l'Indonésie et a remercié Dieu pour ce sursis de dernière minute, selon son porte-parole, Herminio Coloma.
Cependant, d'autres exécutions sont envisagées après celles de mercredi et du mois de janvier. Six condamnés à mort pour trafic de drogue, dont cinq étrangers, avaient été fusillés.
Intransigeant sur l'application de la peine de mort pour trafic de stupéfiants, le président indonésien Joko Widodo avait rejeté toutes les demandes de grâce de condamnés à mort, peine qui doit être selon lui appliquée pour de tels "crimes". Une position défendue par près de 85% de la population, selon un récent sondage.
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