Sueurs froides chez Deutsche Bank: Jürgen Fitschen, l'un des deux patrons de la première banque allemande en pleine réinvention, comparaît à partir de mardi pour faux témoignagne dans un procès susceptible de le mener en prison.
Le tribunal de grande instance de Munich (sud) prévoit des auditions au moins jusqu'à septembre, et M. Fitschen et quatre anciens dirigeants de Deutsche Bank devront être présents à chacune. Et ce alors que la première banque allemande vient d'annoncer une nouvelle stratégie dont la mise en oeuvre requerra toute l'énergie de sa direction.
Les cinq hommes, dont deux anciens patrons de la banque, sont rattrapés par l'un des plus grands feuilletons judiciaires de l'économie allemande: la faillite du magnat des médias Leo Kirch.
Accusée d'avoir précipité la chute de l'empire Kirch Media pour en profiter, Deutsche Bank pensait s'être débarrassée de cette affaire, en versant en 2014 près d'un milliard d'euros aux ayants droits de M. Kirch, pour solder plus de 10 ans de procédure civile.
Mais la défense de la banque, et particulièrement les témoignages de M. Fitschen et des dirigeants de l'époque, font l'objet d'un nouveau procès, au pénal.
Les cinq hommes sont accusés d'"escroquerie à un procès" par le parquet, un délit passible de un à 10 ans d'emprisonnement. De quoi nourrir les spéculations sur un départ précipité de M. Fitschen, alors que la direction bicéphale qu'il assure depuis 2012 avec l'Indo-Britannique Anshu Jain est déjà souvent remise en question.
Le duo voulait rompre avec l'ère des banquiers d'investissements arrogants incarnée par leur prédécesseur, le Suisse Josef Ackermann.
Mais cet héritage s'avère plus difficile à liquider que prévu, avec ce nouveau procès retentissant et une lourde amende de 2,5 milliards de dollars, dont la banque vient d'écoper dans une affaire de manipulation de taux.
- 'Inconfortable' mais 'sincère' -
"Cela devient maintenant un peu inconfortable", a confié M. Fitschen à propos du procès, dans un entretien au magazine Stern.
Mais le patron de 66 ans, qui est aussi président de la fédération allemande des banques privées, se dit "confiant" dans la justice.
"J'ai été sincère. Et je ne comprends pas le reproche (de l'accusation): aurais-je dû interdire aux autres d'exposer leur version des faits ?", se défend-il.
L'appréciation de cette sincérité sera la question centrale de ce nouveau procès pour M. Fitschen, accusé d'avoir couvert les mensonges de ses anciens collègues: le patron d'alors Ralf Breuer, son successeur Josef Ackermann, l'ancien chef du conseil de surveillance Clemens Börsig et Tessen von Heydebreck, un autre membre du directoire.
Ces derniers auraient tous commis de faux témoignages selon le parquet, pour sauver M. Breuer après une interview polémique en 2002, dans laquelle il émettait des doutes sur la solvabilité de Kirch Media.
Quelques semaines plus tard, le groupe de médias s'effondrait. Son dépeçage, accompagné par Deutsche Bank, a permis à celle-ci d'empocher des gains confortables.
M. Breuer s'est toujours défendu en affirmant qu'il n'avait fait que rapporter ce qu'il avait lu dans la presse. Mais l'accusation se réfère à une réunion du conseil de surveillance de Deutsche Bank, quelques semaines avant la faillite de l'empire Kirch. C'est elle qui aurait fait l'objet de faux témoignages dans le procès au civil.
Le parquet reproche plus particulièrement à M. Fitschen d'avoir livré "un témoignage pas clair", qui suggérait une volonté d'"éviter de faire devant les juges de fausses déclarations, sans pour autant remettre en cause la stratégie de défense" trompeuse de Deutsche Bank.
Le destin de M. Fitschen est maintenant entre les mains d'un homme: le juge allemand Peter Noll. Celui-là même qui a mis fin l'an dernier à un procès contre le magnat de la Formule 1 Bernie Ecclestone contre le versement de 100 millions de dollars, un montant record dans l'histoire judiciaire allemande.
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