Slalomant au milieu des embouteillages chroniques et d'une circulation anarchique, sautant des trottoirs défoncés, de jeunes skateurs investissent peu à peu les rues d'Addis Abeba, où le skateboard était jusqu'ici un engin inconnu.
Soutenus par des pratiquants du monde entier dont des professionnels américains, une poignée de passionnés tente de développer ce sport auprès des jeunes démunis. Une façon de leur offrir des moments d'évasion et de plaisir mais aussi de les garder dans le droit chemin, hors de la délinquance.
A Shiro Meda, un quartier de tisserands et de porteurs populaire et bouillonnant, situé sur les hauteurs de la capitale éthiopienne, des grappes d'enfants s'élancent avec plus ou moins d'aplomb sur une rampe peinte aux couleurs du drapeau national, vert-jaune-rouge.
"Il n'y a rien pour les jeunes, ici. Rien pour les motiver. Ces séances de skateboard sont la seule chose intéressante qu'ils peuvent faire dans ce quartier", explique Israel Dejene, fondateur de Megabi Skate, association qui s'est donné pour but d'occuper les jeunes du quartier, garçons et filles, et de lutter contre la délinquance.
"Le skateboard crée une communauté à l'esprit positif. Le skate leur apprend à s'entraider pour réaliser des figures et à améliorer l'image qu'ils ont d'eux-mêmes", poursuit ce musicien rasta qui a découvert le skateboard lors d'un passage en Suède, fasciné par "cette planche qui semblait attachée aux pieds même dans les airs".
Séduits par l'initiative, les skateurs professionnels américains Tony Hawk et Nyjah Huston sont venus en février à Addis Abeba apporter leur soutien à Megabi Skate, avec dans leurs bagages plusieurs dizaines de planches, des objets encore introuvables en Ethiopie.
Leur passage, largement relayé sur les réseaux sociaux, a donné un coup de projecteur à la petite communauté des skateurs éthiopiens et inspiré de nouveaux pratiquants.
- 200 planches distribuées gratuitement -
"J'habite sur les hauteurs. De chez moi, je descends à toute vitesse sur plusieurs kilomètres ! Addis Abeba est extraordinaire pour le skate", s'enthousiasme Yared Gobeze.
Le jeune garçon a rejoint Ethiopia Skate, un groupe de skateurs qui se réunit plusieurs fois par semaine dans les rues de la ville et sur des parkings désaffectés. Les planches ont été envoyées par des skateurs d'Autriche et des Etats-Unis et distribuées gratuitement. Près de 200 à ce jour.
A chaque sortie, un attroupement de curieux se forme pour regarder ces casse-cous à roulettes sauter les bordures de trottoir ou les marches d'escalier et retomber brutalement sur le bitume, sans aucune protection.
"On se sert de tout ce qu'on trouve dans les rues d'Addis. Même si les lieux sont difficiles, on essaye d'en tirer le meilleur", résume Abenezer Temesgen, l'un des pionniers du skate éthiopien.
Certains n'hésitent pas à bloquer le flot des voitures pour effectuer un saut au-dessus de la route, sous les regards médusés des automobilistes, tandis que des jeunes filles bien mises prennent des photos avec leurs téléphones portables et que des enfants des rues dépenaillés tentent de chiper une planche pour l'essayer à leur tour.
"Le skate prend de l'ampleur. Nous avons maintenant des centaines de jeunes qui viennent faire du skateboard", assure Abenezer Temesgen, conscient que l'émergence de cette pratique en Ethiopie correspond aussi à une aspiration à la normalité.
"Nous avons été connus pour la pauvreté mais l'Ethiopie ne se résume pas à ça", ajoute-t-il. "Venir ici faire du skate avec ces gamins, cela me fait aimer mon pays".
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