"Le pire peut encore se produire": François Hollande a mis en garde dimanche en Alsace contre la résurgence du racisme et de l'antisémitisme en célébrant la journée nationale de la déportation au Struhof, seul camp de concentration nazi installé sur le territoire français.
"La connaissance de l'Histoire ne nous préserve pas du pire, le pire peut toujours se produire et c'est en le connaissant que nous pouvons le prévenir", a déclaré le président de la République, après avoir visité la chambre à gaz de ce camp construit sur le site jadis idyllique d'une petite station de montagne.
Le Struthof-Natzweiler, qui comprenait, outre le camp principal, une tentaculaire nébuleuse de camps annexes, fut le lieu de détention de quelque 52.000 déportés, en provenance de toute l'Europe, dont près de 22.000 périrent.
"L'antisémitisme et le racisme sont encore là et donc nous devons à travers cette cérémonie du Struthof agir pour protéger ceux qui peuvent en être encore aujourd'hui les victimes", a rappelé M. Hollande.
Ici se trouve "la seule chambre à gaz, le seul camp de concentration qui a été installé sur le sol de France () Ce qui s'est passé ici est un crime atroce qui s'est produit en Europe et qui a été le fait d'Européens", a-t-il rappelé soulignant également que "les rescapés, les déportés survivants nous mettent également en garde nous les générations d'aujourd'hui sur nos fragilités, nos faiblesses".
Auparavant, Robert Salomon, près de 90 ans, secoué de sanglots, avait décrit, en tenue de déporté, "l'enfer" des "Nacht und Nebel" (Nuit et brouillard), ces résistants comme lui que les nazis voulaient faire disparaître dans les camps.
M. Hollande, qui voulait donner une dimension européenne à cette commémoration, y avait convié le gotha des dirigeants des principales institutions de l'UE, dont les présidents du Parlement, Martin Schulz, et de la Commission, Donald Tusk.
-'L'Europe ne peut pas "abandonner" les naufragés en Méditerranée -
En résonance avec l'actualité, il a appelé l'Europe à la solidarité face à l'afflux de migrants en Méditerranée.
"Nous n'avons pas le droit de détourner les yeux lorsqu'au large de nos côtes se produisent des drames effroyables comme la semaine dernière en Méditerranée () Nous ne pouvons pas abandonner ces malheureux, aux criminels qui les détournent, qui les détroussent, qui les naufragent", a-t-il lancé. Mais "nous ne pouvons pas laisser non plus se constituer chez nous une population de clandestins. L'Europe doit faire respecter ses frontières, c'est son devoir mais l'Europe doit rester conforme à ses valeurs", a aussi dit le président.
Le matin à Paris, au mémorial dédié aux martyrs de la déportation, le Premier ministre Manuel Valls avait lui aussi appelé à "poursuivre le combat" contre une barbarie qui "peut changer de visage".
M. Hollande poursuivait en Alsace une série de commémorations liées au 70e anniversaire de la Seconde guerre mondiale. Le 27 janvier, il s'était rendu à Auschwitz-Birkenau (Pologne), et plus récemment le 6 avril à la maison d'Izieu (Ain) où 44 enfants juifs avaient été raflés en 1944, déportés puis exterminés dans les camps.
Premier camp de concentration découvert par les Alliés à l'Ouest, le Struthof resta longtemps peu connu en dehors de l'Alsace. Il abrite aujourd'hui un Centre européen du résistant déporté, inauguré en 2005 par Jacques Chirac.
Au Struthof, les détenus, essentiellement des politiques et des résistants mais aussi des juifs, des tziganes et des homosexuels, venaient de quasiment tous les pays annexés par le IIIe Reich, transformés en esclaves de la machine de guerre allemande.
Sa chambre à gaz, que M. Hollande est le premier à visiter, avait été installée dans l'auberge-restaurant de l'ex-station de ski, essentiellement pour des expérimentations médicales, notamment de gaz de combat sur les détenus. 86 juifs, venus d'Auschwitz, y furent aussi assassinés et leurs corps entreposés à l'université de Strasbourg, devenue dans l'Alsace annexée l'université du Reich.
Le cycle de commémoration, omniprésent dans l'agenda de François Hollande depuis un an, devrait s?achever le 27 mai avec l'entrée au Panthéon de quatre grandes figures de la Résistance: Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay.
Des membres du gouvernement français participeront dans les semaines à venir aux commémorations organisées dans d'autres camps de concentration libérés en avril et mai 1945.
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